Je décide toutefois d'aller en premier au centre de Juneau afin d'obtenir les infos sur les transports ou excursions vers Glacier Bay, une immense baie remplie de glaciers, et pouvoir ainsi gérer mon emploi du temps. Dans cette contrée inaccessible par la route, je suis malheureusement tributaire des horaires des ferries et je dois en tenir compte. Mais l'attrait de la glace sera plus fort. Au dernier moment, je bifurque vers le glacier. Il ne pleut pas, autant en profiter tout de suite. Cette côte sud-est alaskienne est réputée pour être très pluvieuse. J'irai plus tard en ville.
Le glacier se déverse dans un lac, ce qui est superbe, et est également un des plus accessibles d'Alaska. Donc, le coin est évidemment blindé de touristes plus glands les uns que les autres. On sort du bus, on fait une photo, on se plaint qu'il fasse froid, on prend une photo du gars à vélo avec sa plaque d'immatriculation (j'ai eu mon petit moment de gloire), on se traîne, on retourne vite au bus et on se barre pour être à l'heure au souper. Y a pas à dire, certains savent apprécier leurs vacances et profiter de ce que la nature peut offrir. Je reste donc là deux heures, à contempler le glacier et les icebergs et à rire des gens. Une bonne femme engueule son mari car il prend trop son temps et si ça continue, ils vont rater le bus.
Et donc le lendemain, je me lève avec pour but de faire une randonnée de plusieurs heures qui permet de s'approcher du glacier. Je constate que le niveau du lac et de la rivière s'est élevé de plus d'un mètre. L'eau est plus proche de ma tente qu'hier et elle est beaucoup plus agitée. Qu'est-ce qui se passe? Il n'y a tout de même pas de marées ici... Je vois que certains sites du camping ont été condamnés. Bon, j'oublie le truc et je pars, tout motivé, vers mon sentier de randonnée. Et bien sûr, comme un truc foireux arrive rarement seul, les rangers l'ont fermé juste aujourd'hui. Et c'est là que j'obtiens l'explication de ce niveau bizarre de l'eau. Un bassin, situé derrière le glacier et contenu par celui-ci s'est rempli totalement. De ce fait, le barrage naturel de glace s'est élevé sous la pression de l'eau, laissant le bassin déverser des millions de litres d'eau dans le glacier, et par extension dans le lac. Une fois que le bassin est suffisamment drainé, le barrage de glace peut se remettre en place et bloquer à nouveau l'eau. C'est un phénomène connu et prévu qui se passe souvent après de fortes pluies. Là, c'est aujourd'hui que ça se passe, justement le jour où je me pointe pour prendre ce sentier qui, de ce fait, est complètement inondé et impraticable. Décidément, quand l'Alaska a décidé de t'emmerder, il ne le fait pas à moitié. Ca me fait penser à Into The Wild et cette histoire de rivière devenue quatre fois plus large et complètement déchaînée. C'est pas des conneries, j'en ai une petite illustration sous les yeux. Le niveau ne cesse de monter et les descentes de la rivière en rafting sont annulées. Ca fout un peu les jetons. La nature ici est maître et ne fait pas de cadeaux. Je vois l'eau se rapprocher de ma tente, mais les rangers sont catégoriques, ça va s'arrêter ce soir et mon campement est suffisamment en hauteur.
OK, je vais retourner du côté où j'étais avec les touristes hier, il n'y a plus que ça à faire. Il y a un chemin qui s'écarte du pôle touristique et je fais finalement une promenade sympa d'où je peux admirer le glacier en hauteur. C'est superbe! Avec tout ça, je n'ai plus grand-chose à faire ici et je décide de reprendre le ferry vers le Canada plus tôt que prévu: demain à 5h45. Cette fois, j'ai bien vérifié que c'était PM...
Le lendemain, il fait beau, le niveau d'eau a baissé et le sentier de randonnée est à nouveau ouvert. Avec ce ferry du soir, j'ai le temps d'aller m'approcher du glacier. Je replie mes affaires mais laisse ma tente dressée, le temps de la randonnée, afin d'y laisser mes sacs. Je cache mon vélo au début du sentier et je commence à marcher. Je rejoins très vite deux filles qui me proposent de faire la randonnée avec elles. Non, peut-être! Attends, des poupées... Ici, en pleine brousse.
Elles s'appellent Michelle et Zinnia et travaillent pour une société qui organise des descentes de la rivière en raft et des ballades en canoë sur le lac près des icebergs. Je leur dis que je veux m'approcher du glacier et elle m'apprennent que le chemin n'y mène pas vraiment, qu'il faut en prendre un autre, caché et plus difficile d'accès. Elles n'avaient pas l'intention d'aller par là, mais décident de m'accompagner. Et heureusement, car je ne l'aurais jamais trouvé sans elles. On se retrouve donc près du glacier et c'est splendide! Le déversement du bassin a également provoqué le détachement d'icebergs par le dessous du glacier, ce qui fait qu'ils sont exceptionnellement bleus de pureté. C'est fabuleux! Ils ont l'air petits mais un canoë qui passe à proximité révèle qu'ils ont la hauteur d'un immeuble de trois étages. Et c'est sans compter la partie immergée.
Elles me demandent quels sont mes plans pour la suite et je leur dis que j'ai l'intention de prendre le bateau du soir. "Parce que, si tu veux, on peut t'emmener demain faire du rafting. On t'incruste dans un groupe de touristes et le tour est joué. Et c'est gratos." J'ai dû répondre dans le quart de millième de seconde qui a suivi qu'évidemment j'étais emballé. Génial! Je prendrai le ferry deux jours après, tiens. Facile. C'est tellement gai de n'avoir aucun plan. Pour le reste de la journée, elles m'invitent chez elles. La quinzaine de saisonniers qui travaillent avec elles habitent dans plusieurs maisons du quartier et me voilà présenté à tout le monde et accueilli les bras ouverts. Je raconte mon voyage, on boit des bières, du whisky dégueulasse (décidément...), on joue de la guitare, on fait des jeux à boire. Je passe une super soirée, une vraie guindaille à l'américaine. Ca se termine avec tout le monde caisse comme des boudins. Excellent!
Le lendemain, la tête dans le fion, on part accueillir les touristes débiles (eux-mêmes disent ça, je ne suis pas le seul) et je me joins à l'équipage de Michelle, qui est la guide.
La descente durera près de deux heures. La rivière est assez calme et ce n'est pas du rafting de malade, mais ça n'en reste pas moins génial. Le paysage est magnifique. On a la chance d'approcher un aigle qui nous regarde passer à 5 m sur un rocher au bord de l'eau. Le truc comique: ils ont une reproduction de Manneken Pis qui pisse dans l'eau. Mais qu'est-ce que ça fout là? C'est drôle. En tout cas, la GoPro a servi et la descente des rapides est filmée. Merci à toute l'équipe. Finalement, tout ça est arrivé grâce à cette inondation qui m'avait au début mis des bâtons dans les roues. C'est marrant.
En effet ça se voit que tu as la tête dans le cul et des petit yeux sur ton canot de rafting :-)
RépondreSupprimerRahhh, toujours un bon plan pour trouver de la poupée ;)
RépondreSupprimerEt faudra que tu ramènes cette bière avec une ours dessus ! Elle a l'air délicieuse ;)
2 remarques :
RépondreSupprimer1) C'est clair que tu n'aurais jamais trouvé le sentier : tu ne regardais plus la route! Deux poupées, ça vous change un aventurier aguerri en un citadin incapable de s'orienter :-)
2) c'est normal les T-shirt à "10 mètres" du glacier ?
Eh oui! On a tous nos faiblesses. Je sais que tu n'aurais jamais été détourné du droit chemin. ;)
SupprimerPour le glacier, on est quand même toujours à quelques centaines de mètres. C'est tellement gros que la perspective est faussée. De plus, on venait de grimper par les sentiers pendant une heure, donc chaud. Et enfin, les deux poupées... donc chaud. :)
Bon, dix minutes après, on a remis notre pull.
Ah enfin de la poupée ! Il était temps que ce blog prenne une dimension "college fuck fest" :-D
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