jeudi 26 juillet 2012

 
Colombie Britannique - Yellowhead Highway (2)

En partant de chez Darren, à 200 m de chez lui sur le chemin de terre, je croise à nouveau la route d'un ours noir qui s'enfuit à mon approche. C'est comique. Je commence m'y habituer, ça fait pratiquement un ours par jour depuis que je suis au Canada. Tant que ça setre passe dans ces conditions, j'en veux bien tous les jours!


Après deux heures de route, je sens ma roue arrière qui chasse. Crevaison. Pas de problème, il faut bien que ça arrive à un moment ou à un autre. C'est bénin et ne prend pas beaucoup de temps à réparer. En plus, j'ai de la chance car un chemin de terre me permet de m'éloigner de la route et le fossé rempli d'eau qui passe à proximité m'aidera à détecter la fuite. La cause de la crevaison est classique: un fin morceau de fil de fer. Je profite de la réparation imposée pour intervertir mes pneus avant et arrière. En effet, à cause du grand poids de mes bagages sur la roue arrière, le pneu s'use à une vitesse incroyable. Il est complètement lisse et on en voit déjà l'intérieur apparaître. A l'avant par contre, il est toujours en bon état. J'ai donc eu l'idée, en attendant d'arriver en ville et de pouvoir en acheter un nouveau, de les intervertir. Ca fait plus d'une semaine que je veux le faire, mais reporte toujours au lendemain. C'est l'occasion de le faire si je veux éviter des dégâts bien plus embêtants. Après une heure de manipulations sous un soleil de plomb, mission accomplie, je reprends ma route. Maintenant que j'ai mon pneu arrière sous les yeux en roulant, je peux vraiment mesurer l'ampleur de l'usure. Il ne faut pas être expert pour voir qu'il y a urgence!


Dans une station essence où je m'arrête pour faire mon plein de sucre, un vieil Indien s'approche. On parle un peu et au moment où je le salue, il me dit: "Que les esprits soient avec toi." Terrible!

ma maison
J'arrive plus tard dans un camping à Smithers, crevé. La vue sur un glacier est superbe. C'est peut-être pour ça que le camping s'appelle Glacier View... Je cause avec mon voisin, un énorme Hollandais de 1m90 sur 1m. Il n'en revient pas de ce que je fais et me dit être un des rares de son pays à ne pas pratiquer le vélo. Il n'aime pas. Mouais... Vu le calibre, j'aurais plutôt tendance à penser que c'est le vélo qui ne l'aime pas.

Le lendemain, il fait toujours superbe et encore plus chaud. J'adore ça! Et ce qui fait plaisir, c'est que les locaux ne s'en plaignent pas, genre: "Ah il fait trop chaud, hein Madame. Y a plus de saisons, mon bon Monsieur." Non, tout le monde ici est content que ce soit la canicule. Ca les change tellement. Il a fait dégueulasse et froid jusque au début du mois de juillet. Juste quand je suis arrivé, tiens... Ceci dit, mes jambes ne sont pas aussi contentes que moi, car à peine parti, je les sens lourdes et sans énergie. C'est dur, et à 14h, j'éprouve déjà le besoin de dormir. Même pas manger, juste dormir. C'est là que je vois un panneau qui indique Tyhee Lake, camping et toutes sortes d'activités récréatives. Il faut grimper une belle butte pour y arriver et je donne péniblement ce qu'il me reste dans les jambes. C'est le moment où mon pneu arrière crève à nouveau. Là, ça fait chier! Je termine donc l'ascension en poussant mon vélo, ce qui est encore plus crevant. Y a pas à dire, il est vraiment très lourd, et la force déployée par des jambes est quand même phénoménale. Avec tout ça, je ne peux même pas me laisser descendre de l'autre coté de la butte jusqu'au lac. Je dois retenir le vélo, maintenant. Bon...

Finalement, j'y arrive et la vue qui s'offre à moi est tout simplement parfaite. Quand je pense qu'il y a deux jours, je rêvais de farniente, je crois que j'ai trouvé ce que je voulais. Ici, en plein milieu de la brousse, je viens de tomber sur une plage en bord de lac avec du monde, de l'animation, des barbecues et des poupées en bikini. Je me pince, mais les bikinis sont toujours là... Je sais déjà au fond de moi que ma sieste va durer tout l'après-midi et que je ne vais pas repartir. L'environnement est trop parfait pour glander et se reposer. Il faut dire que j'ai quand même fait 380 bornes sur les 5 derniers jours, avec une nuit de fête dans le tas. Tout ça se fait sentir et un peu de repos s'impose. Bon, premièrement, réparer la crevaison. C'est toujours la même que l'autre jour, la rustine n'a pas l'air d'avoir bien tenu. J'imagine que c'est à cause du poids des bagages. 

Pour détecter la crevaison, je vais dans le lac avec la chambre à air. Une énorme bonne femme au regard pas super éveillé me regarde avec stupeur et me demande ce que je fais. Je lui explique que j'ai un pneu crevé et que c'est facile de détecter le trou dans l'eau grâce aux petites bulles d'air. Elle s'extasie devant mon trait de génie: "Oooh mais que c'est malin, jamais je n'aurais pensé à ça!" Je ne lui ai bien sûr pas répondu qu'elle devrait d'abord penser à monter un jour sur un vélo, mais je l'ai pensé très fort. Après cette parenthèse C'est pas sorcier, je répare à nouveau et cette fois-ci laisse bien sécher avant de remettre le chargement. Après ça, je vais piquer une tête dans l'eau super bonne, puis je m'allonge et me prélasse jusque 20h. Je n'ai juste rien fait. Que c'est bon! J'en avais grand besoin. Comme il y a un camping juste à côté, je m'y traine pour planter ma tente, et vu que c'est dans les bois, les moustiques sont de la partie. Ils sont trop nombreux, c'est pourquoi je décide de mettre mes vêtements de pluie et mon filet sur la tête. Etre habillé en imperméable par 30 °C, c'est génial, on a l'impression qu'il pleut à l'intérieur. Mais au moins, on ne se fait pas bouffer. C'est selon...

Le jour suivant, après une bonne nuit de repos, j'ai retrouvé ma pêche et peux continuer ma route. A partir d'ici, je vais quitter les montagnes pour avancer dans un paysage qui ressemblera de plus en plus à notre Ardenne. C'est moins sauvage, avec plus de champs, mais ça n'en est pas moins difficile. Ca l'est même plus. En effet, alors que jusqu'ici j'évoluais dans les vallées entre les montagnes, je dois maintenant me farcir de belles petites ascensions sur les collines.


Les trois jours suivants seront plus calmes au niveau du paysage qui s'aplanit de plus en plus, les forêts disparaissant au profit des champs. Je me sens de plus en plus en pays condruzien, avec tous ces ballots de paille. Par la même occasion, on ne voit plus de pygargues, ces aigles pêcheurs à tête blanche, mais d'autres aigles brun-blanc un peu plus grands. Les ours n'ont plus l'air d'être très présents non plus. Je n'en vois plus et les mesures de prévention ne sont plus autant en vigueur. D'énormes camions transportant des troncs d'arbre me dépassent fréquemment. Ca sent extrêmement bon la résine.


Pendant deux jours, je fais route avec un couple de cyclistes du Minnesota, Sarah et Josh. On ne pédale pas ensemble car ils vont plus vite que moi, mais on se retrouve pour les breaks et dans les campings. Ils sont sympas, très calmes et relax. Et là, je crève pour la troisième fois. Toujours la rustine qui a lâché, cette fois après 2 jours. Elle est toute molle, comme fondue. On dirait un chewing-gum. C'est sûrement la grande chaleur et le poids des bagages qui font que ça n'a pas le temps de bien sécher et colmater. Bon, cette fois, je ne chipote plus et je mets une nouvelle chambre à air.


Prince George

On a droit maintenant à un orage de chaleur en fin de journée presque tous les jours, et après 11 jours et près de 800 km sur la Yellowhead Highway, j'arrive enfin à Prince George, la capitale du nord de la Colombie Britannique. Je m'attendais à l'endroit un peu "civilisé" de cette partie reculée du Canada, je découvrirai très vite qu'il n'en est rien. Après avoir pris une chambre dans une auberge modeste mais très confortable et sympathique, je pars faire un tour en ville. Au troisième coin de rue, une dame bourrée m'accoste en me dévoilant ses chicots: "Salut! Ne t'en fais pas, je ne suis pas une pute, je suis trop vieille. Tu n'aurais pas quelques dollars pour moi?" Surpris par cet abordage un peu cocasse, je lui explique gentiment que je n'ai pas de cash et que je viens d'arriver en ville à vélo. Elle a l'air enchantée que je ne l'ai pas envoyée balader sans autre mesure, me souhaite un bon voyage et me crie d'un peu plus loin: "Et t'as un sacré beau cul!" Trente secondes après, une femme passe à vélo et me crie un truc qui pourrait se traduire par: "Bordel de merde, t'as des putain de beaux cheveux!" Bienvenue à Prince George! Au gré de ma promenade dans le centre-ville, je découvrirai que cette ville est complètement pouilleuse et miséreuse. Tous les gens qui trainent dans la rue sont sales, saouls ou drogués et ont l'air d'être sans abri. Je ne m'attendais vraiment pas à trouver ça ici. Plus tard, après avoir mangé un énorme steak de cheval et rentrant doucement me coucher, je suis attiré par un attroupement et de la musique live en pleine rue. Je vais voir ce qui se passe et découvre un rassemblement de gens plus miséreux les uns que les autres autour d'un groupe de gros tatoués qui chantent Jésus sur de la musique folk mal jouée. Le spectacle musical prête à rire, mais le spectacle populaire pas du tout. Les gens ont des tronches complètement défoncées et titubent jusqu'à une table où ils se servent un burger et un soda. Certains me disent d'aller me servir, voyant que je débarque, mais je préfère leur laisser leur pitance. Ils en ont plus besoin que moi. Je n'ai même pas envie de prendre de photo, tellement je trouverais ça déplacé. J'observe juste cet étalage de misère un peu en retrait, une boule au ventre. C'est dur. Un des bénévoles me remarque, s'approche de moi et m'explique que tous les samedis, les églises de la ville se réunissent pour offrir de l'animation et de la nourriture aux marginaux. Il est très sympa, je parle de mon voyage et lui de sa religion. On est un peu décalés tous les deux, mais c'est intéressant de l'écouter me raconter ce en quoi il croit, sans me faire de prêche, ayant très vite capté que ce n'était pas mon truc. En effet, à sa question "Tu vas à l'église? En quoi crois-tu?", j'avais répondu en levant les deux bras: "Bah, la vie, quoi..." Il retourne ensuite à son boulot en me disant avec un clin d'oeil qu'il priera pour ma sécurité afin que je ne me fasse pas manger par un ours. Drôle! Et voilà, je pars me coucher en ayant eu encore une fois ma petite fête du week-end. Bon, il faut quand même dire qu'après la fête avec les gars du rafting il y a deux semaines, et la fête du ranch la semaine passée, celle-ci était vachement moins marrante. Un autre genre...

Le lendemain, malgré l'attrait très limité de la ville, je décide d'y rester pour me reposer. Cela fait 11 jours d'affilée que je pédale sans aucun jour de repos, et c'est vraiment beaucoup. Je n'en avais pas vraiment pris conscience jusqu'à ce que mon genou gauche commence à se faire sentir pendant les deux derniers jours. C'est là que j'ai fait le compte et réalisé qu'il était grand temps que je laisse mes muscles au repos complet. J'en profite donc pour mettre le tout nouveau pneu que j'ai acheté la veille (enfin!), un pneu plus épais et résistant qui, je l'espère, tiendra jusqu'à la fin du périple. Le reste de la journée, je le passe à lire et à dormir. Le soir, l'aubergiste vient me trouver pour me demander de le remplacer 5 minutes pendant qu'il va chercher des bières. Je dois juste ouvrir si on sonne, faire entrer et patienter en l'attendant. J'accepte et, la cuisine commune étant juste à côté, je m'absente 30 secondes par aller chercher ma nourriture dans ma chambre et en profiter pour cuisiner. C'est là que je le croise avec un pack de bière sous un bras et une pute sous l'autre. J'éclate de rire dès que je me retrouve seul. Il arrive 20 minutes après et, de l'air de quelqu'un qui se sent obligé de se justifier, me dit qu'elle voulait une chambre et payer en nature. Mais il a bien sûr refusé! Pendant 20 minutes... J'ai bien ri!

Après ce repos, je suis prêt à repartir, quitter la ville et me diriger vers les Rocheuses. J'ai près de 400 km à parcourir pour me retrouver en montagne et j'ai hâte d'arpenter cette route et d'assister au changement progressif de relief et de paysage. D'ailleurs, à peine sorti de la ville, je me retrouve à nouveau plongé dans une nature beaucoup plus sauvage que ce que j'ai eu jusqu'ici. Ca ressemble pas mal à l'Alaska, avec les forêts de sapin inextricables et de nouveau les mises en garde contre les ours. Les choses sérieuses recommencent. Quel changement radical avec l'entrée dans la ville par l'ouest. Ici, c'est la vraie brousse. Mais il fait toutefois bien meilleur qu'en Alaska et ça fait une grande différence. Je trouve sur la route mon deuxième trophée pour garnir mon vélo: deux petits drapeaux canadiens. Parfait!


Mais avec la brousse, reviennent aussi les moustiques contre lesquels je dois me battre à chaque arrêt sur la route et même parfois en roulant quand je ne vais pas assez vite, c'est-à-dire dans les côtes. Super! Ils sont en bien plus grand nombre que ce que j'ai déjà vécu et ma pire expérience (jusqu'ici) se passera à Lake Lasalle, un très chouette et superbe petit endroit pour camper sur le bord d'un lac.
Il y a juste des bancs et un embarcadère, je suis seul et j'arrive là après une étape de 105 km, content de m'arrêter. A peine posé le pied à terre, une nuée de moustiques m'assaille. Je m'y attendais, mais pas à ce point. Du plus vite que je peux, je sors mes vêtements imperméables et les mets en me débattant comme un damné. Il y en a tellement que je dois mettre mes gants et mes sur-chaussures, sinon ils s'introduisent dans ma godasse et me piquent à travers ma chaussette. Quand mon filet est trop près de ma peau, ils arrivent à me piquer. Certains passent même à travers mes gants. C'est infernal! Je les vois par centaines sur mes habits. Il y a vraiment de quoi devenir fou. Je me force à rester calme, maintenant que je suis couvert, et essaie de m'installer en les ignorant. Ca marche assez bien. Mais le plus dur est de manger... Je regarde ma gamelle, il y a des moustiques dans mes pâtes. A chaque bouchée, je relève mon filet en vitesse, enfourne ma cuiller (et parfois un moustique au passage que j'avale) et rabaisse mon filet. Ah, il faut garder son sang-froid! Quelle merde! Le pire, c'est que j'ai absolument besoin de me laver après cette journée.

Je me fous à poil en quatrième vitesse et saute dans le lac. Enfin protégé. J'y passe 15 minutes, rien que pour profiter du calme à l'abri de ces sales bestioles. Mais à quoi elles servent? A part faire chier le monde et transmettre des maladies... Après mon bain fort agréable au milieu des têtards, je cours jusqu'à ma tente où je m'abrite après avoir exterminé les quelques moustiques qui ont réussi à s'y introduire avec moi. Enfin du calme. Et comment on fait pour pisser la nuit? C'est là qu'on est content d'avoir un tiche, car il est hors de question de sortir pour pisser! On pratique une ouverture par la fermeture éclair de la moustiquaire, on se contorsionne de manière à pouvoir y passer l'anaconda, on vise afin d'éviter d'arroser les sacs et la tente et le tour est joué. Facile! Juste espérer ne pas se le faire poinçonner au passage. Le lendemain matin, je déjeune dans la tente, puis c'est le sprint pour tout empaqueter et se barrer de là.

Allez, dans un ou deux jours, je serai dans les Rocheuses, une grande étape de mon voyage, car je devrais les suivre vers le sud jusqu'au Colorado. Et j'espère avec moins de moustiques, mais je n'ose pas rêver. En tout cas, le paysage ne fait qu'embellir avec les montagnes qui approchent et le plaisir de parcourir ces routes à vélo en toute liberté reste intact.

mercredi 18 juillet 2012

 
Colombie Britannique - Yellowhead Highway (1)


Arrivée à Prince Rupert, province de Colombie Britannique au Canada. Ce qui me frappe le plus, c'est la température: il fait bien plus doux qu'en Alaska, même si le ciel est couvert. Et ce n'est pas pour me déplaire. Ca a enfin un parfum d'été après la pluie et la fraîcheur alaskiennes. Il faut dire que le ferry a parcouru plus de 400 km vers le sud, et ça se sent. Deuxième surprise: je constate sur les panneaux routiers que les distances sont exprimées en kilomètres. J'avais complètement oublié qu'ils avaient le même système métrique que nous. Il faut dire que lors de mon dernier passage au Canada, mes souvenirs s'étaient principalement concentrés sur le crachin montréalais. Fini les feet, yards, miles et Farenheit et toutes ces formules de conversion bizarres. Je me rends à l'auberge de backpackers du coin, objectif: faire le plein de nourriture et de vitamines (des fruits, des fruits!!) avant ma grande traversée et surtout faire ma première lessive. Je n'ai pratiquement plus rien à me mettre qui ne sente le racoon. Quel plaisir d'avoir tous mes habits qui sentent à nouveau la lessive!

J'entame donc le lendemain ma quatrième semaine de voyage sous près de 25 °C et un ciel presque tout bleu. Je dépasse par la même occasion la période maximale de trois semaines de voyage en solo à laquelle je suis habitué. Mais c'est juste symbolique, je ne m'en rends même pas compte. Mon trip suit son cours naturellement sans que le temps ne se fasse sentir. Je pense que c'est le signe que je suis bien où il faut que je sois. Pas d'erreur.

J'embarque sur la Yellowhead Highway qui traverse la Colombie Britannique d'ouest en est. Le sentiment de changement par rapport à l'Alaska se fait, lui par contre, immédiatement sentir et se confirmera par la suite. Le paysage est tout aussi immense et majestueux, avec montagnes, forêts et rivières, mais cependant moins rude et hostile. Le climat plus doux permet ici aux fleurs et aux feuillus d'exister. Fini le monopole des forêts de sapin inextricables. Tout est plus varié, c'est moins dur pour le mental et donc plus agréable à parcourir à vélo.
J'apprécie donc beaucoup d'être redescendu un peu plus au sud et me surprends même à m'extasier sur les fleurs, à les admirer et les renifler. Il y a plein de couleurs différentes. C'est beau. Les aigles pêcheurs sont toujours aussi présents que les pies chez nous et j'ai même la chance de voir un phoque se prélasser dans la rivière que je suis. Il me regarde passer, peinard, en se laissant porter par le courant.


En fin de journée, petite surprise. Je ne suis ni trappeur et encore moins pisteur indien, mais ce que je vois sur la route laisse difficilement place au doute. Ca m'a tout l'air d'être de belles traces d'ours. J'avais presque oublié qu'ils étaient là, eux, avec tous ces changements d'environnement. Brusque remise à l'ordre, je dois toujours être sur mes gardes! Je prends la photo en vitesse puis me barre illico. Les traces sont relativement petites, ça doit être un ours noir. Je n'ai pas envie de trainer dans le coin.


Pour la nuit, je m'arrête après 90 km dans un camping visiblement fermé. Mais un gars qui est là pour la maintenance me dit que je peux rester sans payer et même utiliser la douche. Super! Un type passe en soirée et me montre une photo qu'il vient de prendre: deux grizzlies qui se promènent à l'instant de l'autre côté des rails qui longent la route, juste à la sortie du camping. Si j'étais arrivé une heure plus tard, je les aurais croisés... J'ai des frissons en imaginant la scène. Je passe une soirée tendue à essayer de lire, passant le plus clair de mon temps à scruter les environs au moindre bruissement de feuilles ou coup de vent. En plus, les moustiques s'y mettent. Ils sont plus petits qu'en Alaska mais tout aussi voraces. Avant d'aller me coucher, je rentre toute ma bouffe dans la baraque que le gars laisse ouverte toute la nuit au cas où je verrais quelque chose.

Mais la nuit se passe heureusement sans autre alerte et le lendemain est encore plus beau. Après avoir déjeuné avec des oeufs que mon hôte s'est gentiment proposé de me préparer, je continue ma route le long de la rivière Skeena, paradis des pêcheurs. Je vois d'ailleurs un saumon bondir en remontant le courant. A peine parti depuis dix minutes, un truc bouge et s'enfuit dans les hautes herbes de l'autre côté de la route. Je n'ai rien pu voir à part l'herbe bouger, mais ça avait l'air assez gros. Un ours? J'imagine que oui. Je ne sais pas ce que je ressens. Excitation et peur mêlées.
Plus loin, je crois une famille japonaise qui m'arrête, me prend une bonne vingtaine de fois en photo, me pose des questions. Ils posent à tour de rôle avec moi pendant qu'un autre continue de mitrailler. Une vraie star. Je ne serais pas surpris de me retrouver dans un journal japonais local. Ils m'ont en tout cas dit qu'ils m'enverraient les photos. Cinq minutes après cette séance de top model, un truc bouge à nouveau dans les herbes à mon passage. Et cette fois, je le vois très nettement courir et s'enfuir. C'est bien un ours! Noir, de la taille d'un gros chien. Ma première rencontre avec un ours en liberté à 5 m de moi. C'est génial! J'ai eu un peu peur sur le moment, surpris. Mais en voyant comme ils s'enfuient, ça me rassure. En tout cas, ils ont l'air de pulluler ici.


Mais la rencontre du jour d'après sera la plus intense... Toujours sous 30 °C et en plein soleil d'après-midi, je m'arrête sur le bord de la route pour casser la croûte. Il fait vraiment très chaud. Mais j'adore et ça ne me dérange pas du tout de pédaler sous cette chaleur, du moment que j'ai suffisamment d'eau. Alors que je suis en train de manger mes fruits secs, une voiture en sens opposé s'arrête, du heavy metal à fond. "Fais gaffe, mec, il y a un gros ours qui mange sur le bord de la route de ton côté, là, juste derrière ce rocher. Si j'étais toi, j'attendrais un peu." Me voilà donc tout penaud en train de regarder le fameux rocher qui est à 500 m, mâchant mes friandises tout de suite beaucoup plus difficilement. Et merde... Il fallait bien que ça arrive un jour, ça. Mais j'ai du bol d'être arrêté et prévenu. Une autre voiture s'arrête: "Il est toujours là." Je laisse passer facilement 15 minutes, plus personne ne me fait signe de quoi que ce soit. J'hésite à me mettre en route, mais je ne peux pas attendre là indéfiniment et il est hors de question de camper ici. Il n'y a rien de rien, c'est la brousse, et sachant qu'il est dans le coin, je risquerais de l'attirer avec ma bouffe. J'ai peur, il faut que je me décide à bouger. Je démarre donc. J'approche du rocher et je commencer à faire tinter ma sonnette en parlant fort. J'imagine le gros grizzly. J'accélère comme je peux pour pouvoir passer le plus vite possible. Je passe le rocher et ne vois rien... Si! Il est passé de l'autre côté de la route. Mais ce n'est pas du tout un gros ours, c'est un ours noir. Il lève la tête quand je passe et me regarde passer tranquillement. Ouf! Une fois éloigné et le moment de stress passé, je décompresse en éclatant de rire. Superbe! Magnifique! Quel moment!


Pour le coup, ça m'a foutu un sacré coup de punch et je ferai 110 km sur la journée sans forcer. Il était temps que je trouve un camping car vu la chaleur, mes 4 litres d'eau arrivaient à la fin et j'envisageais mal un camping sauvage sans flotte. Les forêts ont progressivement fait de la place aux prairies et le camping dans lequel je fais halte est justement à découvert, dans un pré. Du coup, pas de moustiques. Les seules bestioles qu'il y a sont de petites mouches noires qui sont certes très chiantes et envahissantes, mais qui n'ont pas l'air de piquer. Je monte donc ma tente sans me protéger. Et c'est la grave erreur... En passant ma main sur mon visage, je reviens avec du sang. C'est à moi, ça? Je n'ai rien senti. Je vais me regarder dans un miroir, et c'est bien à moi. Ca coule et j'en aussi partout sur les jambes. Saloperies de mouches! J'ai même été mordu à la paupière, où j'ai comme deux marques de suçons. Elles ont même été jusqu'à s'insinuer entre les poils de ma barbe pour me mordre.

Et ça a déjà bien dégonflé!
Mais ce n'est que le lendemain que je constaterai l'ampleur du désastre. Mon oreiller est plein de sang séché, mes jambes sont pleines de croûtes, ça chatouille et, le pompon, ma paupière a enflé jusqu'à me fermer l'oeil à moitié. Bravo! J'espère que ça ne va pas empirer, je n'ai pas envie de pédaler borgne. Heureusement, ça partira au bout de deux jours. En attendant, je me trimbale avec une tronche de bagarreur et je me gratte comme un galeux.



Le reste de la journée est difficile. Je sens le contre-coup de mes 110 bornes de la veille, le temps se couvre et le vent se lève contre moi. Sur le coup, j'ai envie d'un hôtel avec piscine sur le bord de la mer. J'y pense, j'ai envie de farniente. Il faut que je m'arrête, je suis trop fatigué et il commence à pleuvoir légèrement par averses. Heureusement, il fait toujours chaud. J'arrive à Hazelton, un village indien. Les habitants de la région sont à 90% des Indiens (appelés Native ou First Nation People, indien étant péjoratif) et ça fait plaisir à voir qu'ils soient restés en majorité dans ces coins reculés. Ils ont un physique carrément asiatique et très bronzé, ce qui prouve bien qu'ils sont arrivés d'Asie par l'ouest. Il est même très difficile à dire pour certains qu'ils sont Américains. Ceux d'ici sont là depuis 8 à 10 000 ans!

Donc, me voilà sur la route de Hazelton quand un type arrête sa voiture devant moi, sort et me demande si j'ai un peu de temps pour causer. Je m'arrête évidemment et on se présente. Il s'appelle Darren: "Tu veux venir planter ta tente dans mon jardin? Et ce soir on ira à une fête." Ca alors! Le gars qui s'arrête pour me proposer ça. Excellent! Je n'hésite pas l'ombre d'un instant. "OK!" Il me dira plus tard avoir apprécié la rapidité avec laquelle j'ai accepté. Il m'explique où est sa maison, dans les bois, au bout de 1,5 km de chemin de terre. Je m'engage sur le chemin et c'est difficile. C'est long, les pentes sont escarpées et la terre s'est transformée en boue suite aux averses. Je m'enfonce dans les bois et commence à me dire que j'ai peut-être été un peu trop rapide à accepter. Et si c'était un méchant? Je suis peut-être en train de plonger tête baissée dans un guet-apens? Mais finalement je vois sa maison se profiler en haut d'une côte. Une vraie cabane dans les bois avec tout le confort nécessaire.


Je plante ma tente, puis Darren me fait le tour du propriétaire. C'est un amoureux de la nature, un vrai. Un qui vit dedans et avec elle. Sa maison n'a ni électricité ni eau courante. Les toilettes sont naturelles et la merde est utilisée comme compost. Il m'emmène admirer la vue qu'il a de sa propriété et c'est juste splendide. Il ne s'emmerde pas, le gars.




Darren qui prépare du saumon avec des fleurs
Une étendue de nature rien qu'à lui et son pote avec qui il la partage, dans laquelle il cueille pas mal d'herbes et de fleurs qu'il utilise dans ses plats. Il me fait goûter des fleurs et c'est vraiment bon! Ce que j'apprécie, c'est que Darren n'est pas un extrémiste. Il est juste à fond dans son mode de vie, mais intelligemment, pas comme un qui veut se la jouer. Il n'exagère rien. Et il veut le partager avec le plus de monde possible. Il aime les voyageurs et c'est pour cela qu'il m'a arrêté sur la route. Trois jours auparavant, il avait accueilli un cycliste argentin.


Après ça, on démarre pour la fête. Je ne sais du tout quel genre c'est et je suis un peu gêné avec mes habits crados. Tant pis, je suis un voyageur et je viens de faire une étape à vélo, la bonne excuse. Finalement, je découvre que la fête se passe en extérieur au Chicken Rocket Ranch avec des fermiers et des hippies. Tout le monde est plus crade que moi et j'ai l'impression de blinquer comme un sou neuf. Ils viennent de travailler au champ et c'est maintenant la fête. Concours de tir à l'arc, barbecue, bières, musique autour du feu, de la bonne nourriture "nature". Ca danse, ça parle écologie. C'est génial, une vraie fête de campagne baba cool. Un groupe de filles de Montréal est là, qui voyagent de ferme en ferme en travaillant contre le gîte et le couvert. Elles parcourent ainsi tout le Canada.


La nourriture que tout le monde a apportée est super bonne. Ca change des mes pâtes au thon. Le poisson cru fut délicieux. Je m'en suis tellement empiffré que j'avais la barbe qui sentait encore le lendemain.

Le moment fort de la soirée se passe vers minuit quand, d'un coup, des lumières vert-jaune envahissent le ciel, dansant et bougeant comme des spots. Une aurore boréale! Ma première. Je ne m'attendais pas à pouvoir assister à ça en été. C'est magique! Merveilleux! Et on y aura droit pendant 20 minutes. Malheureusement, vu que le ciel n'est pas très sombre, les couleurs sont faibles, et donc impossibles à prendre en photo.

Durant la soirée, Darren propose de faire le lendemain le tour de sa propriété et de nous faire découvrir les fleurs et plantes du coin. Son pote Chris, les Québecoises et moi-même sommes de la partie. C'est super! Ce type est émerveillé devant n'importe quelle manifestation de la nature. Il nous explique tout avec passion et rien ne lui échappe. Il nous amène finalement à une petite cascade dans laquelle il a l'habitude de venir se laver. On l'imite et on se retrouve tous au bain. C'est frais, et tellement bon et pur!

Darren en guide nature
 

Après cette super randonnée agrémentée d'un bon bain, il est midi, il fait splendide et j'ai tout le temps de plier mes affaires et de rallier ma prochaine étape. Ce que je viens de vivre avec eux ces dernières 24h m'a complètement requinqué, même si la nuit fut courte, et j'ai hâte de reprendre la route, gonflé d'énergie et de merveilleux souvenirs. Je dis au revoir à tout le monde et remercie chaleureusement Darren pour son accueil. Il me remercie à son tour d'avoir eu "5 minutes pour lui parler", on se hug comme il se doit, et je remonte sur ma bicyclette pour de nouvelles aventures.

mercredi 11 juillet 2012

 
Alaska - Traversée du Sud-Est

Après avoir dit au revoir à mes nouveaux copains, c'est bien décidé et content que je prends le jour suivant le ferry à destination du Canada. Ces deux derniers jours ont été pleins d'imprévus qui me feront de beaux souvenirs. Au revoir, Alaska! Sus au Canada!

Cette fois, le ciel est clair, et cette deuxième traversée de deux jours au milieu des fjords s'annonce superbe. Le coucher de soleil dans ces étroits passages entourés de montagnes et de forêts offre de superbes paysages. C'est complètement sauvage et inhabité, à part dans les petits ports où on fait escale. Je vois des aigles, des phoques, des castors. Toujours pas de baleines, tant pis. A part celles qu'il y a sur le bateau...










 
Alaska - Mendenhall Glacier



Les deux jours de traversée ne sont finalement pas terribles, le temps étant dégueu. Juste le départ de Whittier, avec cette ligne de nuages à 100 m sur les falaises, est magique et irréel. Mais le reste du temps, il pleut. J'ai vu deux ailerons noirs passer à la surface de l'eau, mais je n'ai pas pu voir ce que c'était. Peut-être des orques. Trop rapides pour pouvoir en profiter. L'arrivée du ferry dans Auke Bay, à 20 km de Juneau, est dominée par Mendenhall Glacier, qu'on voit au loin et qui fait bien entendu partie de ma liste de choses à voir dans le coin.
Je décide toutefois d'aller en premier au centre de Juneau afin d'obtenir les infos sur les transports ou excursions vers Glacier Bay, une immense baie remplie de glaciers, et pouvoir ainsi gérer mon emploi du temps. Dans cette contrée inaccessible par la route, je suis malheureusement tributaire des horaires des ferries et je dois en tenir compte. Mais l'attrait de la glace sera plus fort. Au dernier moment, je bifurque vers le glacier. Il ne pleut pas, autant en profiter tout de suite. Cette côte sud-est alaskienne est réputée pour être très pluvieuse. J'irai plus tard en ville.



Le glacier se déverse dans un lac, ce qui est superbe, et est également un des plus accessibles d'Alaska. Donc, le coin est évidemment blindé de touristes plus glands les uns que les autres. On sort du bus, on fait une photo, on se plaint qu'il fasse froid, on prend une photo du gars à vélo avec sa plaque d'immatriculation (j'ai eu mon petit moment de gloire), on se traîne, on retourne vite au bus et on se barre pour être à l'heure au souper. Y a pas à dire, certains savent apprécier leurs vacances et profiter de ce que la nature peut offrir. Je reste donc là deux heures, à contempler le glacier et les icebergs et à rire des gens. Une bonne femme engueule son mari car il prend trop son temps et si ça continue, ils vont rater le bus.


Allez, je vais bouger. Je pars m'installer dans le camping sur les bords du lac avec vue sur le glacier. Somptueux! Je me débarrasse de tous mes sacs, et ainsi allégé, m'en vais vers le centre-ville en espérant assister à l'animation du 4 juillet. A peine parti, il se met à pleuvoir. Et finalement, la ville est à 25 km du camping. Avec ces étapes de 90 km, j'ai un peu perdula notion des distances et je m'étais dit que ça irait vite; 20 bornes aller, 20 retour. Mais ce n'est quand même pas tout près. En terme d'étape, c'est peu et ça passe vite, mais quand il s'agit d'un aller-retour de pur transport sans intérêt, de plus sous la pluie, ça change la donne. Ca devient très vite vachement long! Comme quoi l'état d'esprit fait énormément. J'arrive donc à Juneau trempé, tout est fermé (évidemment, gros malin, il est 18h et c'est jour férié) et la ville est morte. J'apprendrai deux jour après qu'ici, vu qu'il fait clair très tard, on fête le 4 juillet pendant la nuit du 3 au 4. Merci, au revoir... Et donc, après 10 minutes d'errance, je repars vers le camping. Me taper 50 bornes sous la pluie, absolument pour rien du tout, c'est fait! Finalement, je n'ai même pas eu mes infos sur les ferries vers Glacier Bay. De retour à la tente, je consulte donc pour la vingtième fois les horaires que j'ai depuis le début. On ne sait jamais que quelque chose m'aurait échappé. Et évidemment, tout de suite, je le vois. Je l'avais sous le nez depuis le début, mais ç'aurait été trop facile. Malheureusement, les nouvelles sont mauvaise et le ferry n'opère que du 1er mai au 30 juin. Allez savoir pourquoi... Il n'y a que l'avion pour y aller mais ça coûte extrêmement cher. Ce sera sans moi. OK, je n'ai donc pas énormément de choses à faire ici et je vais essayer du profiter du glacier le plus possible.

Et donc le lendemain, je me lève avec pour but de faire une randonnée de plusieurs heures qui permet de s'approcher du glacier. Je constate que le niveau du lac et de la rivière s'est élevé de plus d'un mètre. L'eau est plus proche de ma tente qu'hier et elle est beaucoup plus agitée. Qu'est-ce qui se passe? Il n'y a tout de même pas de marées ici... Je vois que certains sites du camping ont été condamnés. Bon, j'oublie le truc et je pars, tout motivé, vers mon sentier de randonnée. Et bien sûr, comme un truc foireux arrive rarement seul, les rangers l'ont fermé juste aujourd'hui. Et c'est là que j'obtiens l'explication de ce niveau bizarre de l'eau. Un bassin, situé derrière le glacier et contenu par celui-ci s'est rempli totalement. De ce fait, le barrage naturel de glace s'est élevé sous la pression de l'eau, laissant le bassin déverser des millions de litres d'eau dans le glacier, et par extension dans le lac. Une fois que le bassin est suffisamment drainé, le barrage de glace peut se remettre en place et bloquer à nouveau l'eau. C'est un phénomène connu et prévu qui se passe souvent après de fortes pluies. Là, c'est aujourd'hui que ça se passe, justement le jour où je me pointe pour prendre ce sentier qui, de ce fait, est complètement inondé et impraticable. Décidément, quand l'Alaska a décidé de t'emmerder, il ne le fait pas à moitié. Ca me fait penser à Into The Wild et cette histoire de rivière devenue quatre fois plus large et complètement déchaînée. C'est pas des conneries, j'en ai une petite illustration sous les yeux. Le niveau ne cesse de monter et les descentes de la rivière en rafting sont annulées. Ca fout un peu les jetons. La nature ici est maître et ne fait pas de cadeaux. Je vois l'eau se rapprocher de ma tente, mais les rangers sont catégoriques, ça va s'arrêter ce soir et mon campement est suffisamment en hauteur.


OK, je vais retourner du côté où j'étais avec les touristes hier, il n'y a plus que ça à faire. Il y a un chemin qui s'écarte du pôle touristique et je fais finalement une promenade sympa d'où je peux admirer le glacier en hauteur. C'est superbe! Avec tout ça, je n'ai plus grand-chose à faire ici et je décide de reprendre le ferry vers le Canada plus tôt que prévu: demain à 5h45. Cette fois, j'ai bien vérifié que c'était PM...






Le lendemain, il fait beau, le niveau d'eau a baissé et le sentier de randonnée est à nouveau ouvert. Avec ce ferry du soir, j'ai le temps d'aller m'approcher du glacier. Je replie mes affaires mais laisse ma tente dressée, le temps de la randonnée, afin d'y laisser mes sacs. Je cache mon vélo au début du sentier et je commence à marcher. Je rejoins très vite deux filles qui me proposent de faire la randonnée avec elles. Non, peut-être! Attends, des poupées... Ici, en pleine brousse.

Elles s'appellent Michelle et Zinnia et travaillent pour une société qui organise des descentes de la rivière en raft et des ballades en canoë sur le lac près des icebergs. Je leur dis que je veux m'approcher du glacier et elle m'apprennent que le chemin n'y mène pas vraiment, qu'il faut en prendre un autre, caché et plus difficile d'accès. Elles n'avaient pas l'intention d'aller par là, mais décident de m'accompagner. Et heureusement, car je ne l'aurais jamais trouvé sans elles. On se retrouve donc près du glacier et c'est splendide! Le déversement du bassin a également provoqué le détachement d'icebergs par le dessous du glacier, ce qui fait qu'ils sont exceptionnellement bleus de pureté. C'est fabuleux!  Ils ont l'air petits mais un canoë qui passe à proximité révèle qu'ils ont la hauteur d'un immeuble de trois étages. Et c'est sans compter la partie immergée.
 

 


Elles me demandent quels sont mes plans pour la suite et je leur dis que j'ai l'intention de prendre le bateau du soir. "Parce que, si tu veux, on peut t'emmener demain faire du rafting. On t'incruste dans un groupe de touristes et le tour est joué. Et c'est gratos." J'ai dû répondre dans le quart de millième de seconde qui a suivi qu'évidemment j'étais emballé. Génial! Je prendrai le ferry deux jours après, tiens. Facile. C'est tellement gai de n'avoir aucun plan. Pour le reste de la journée, elles m'invitent chez elles. La quinzaine de saisonniers qui travaillent avec elles habitent dans plusieurs maisons du quartier et me voilà présenté à tout le monde et accueilli les bras ouverts. Je raconte mon voyage, on boit des bières, du whisky dégueulasse (décidément...), on joue de la guitare, on fait des jeux à boire. Je passe une super soirée, une vraie guindaille à l'américaine. Ca se termine avec tout le monde caisse comme des boudins. Excellent!



Le lendemain, la tête dans le fion, on part accueillir les touristes débiles (eux-mêmes disent ça, je ne suis pas le seul) et je me joins à l'équipage de Michelle, qui est la guide.
La descente durera près de deux heures. La rivière est assez calme et ce n'est pas du rafting de malade, mais ça n'en reste pas moins génial. Le paysage est magnifique. On a la chance d'approcher un aigle qui nous regarde passer à 5 m sur un rocher au bord de l'eau. Le truc comique: ils ont une reproduction de Manneken Pis qui pisse dans l'eau. Mais qu'est-ce que ça fout là? C'est drôle. En tout cas, la GoPro a servi et la descente des rapides est filmée. Merci à toute l'équipe. Finalement, tout ça est arrivé grâce à cette inondation qui m'avait au début mis des bâtons dans les roues. C'est marrant.