mercredi 8 août 2012

 
Alberta - Kananaskis Country

On est vendredi matin et je me lève pour dire au revoir à mes amis. Ils partent tôt afin de rejoindre Calgary à 110 km à l'est et de continuer leur traversée du Canada tandis que je mettrai le cap plein sud. Qui sait, on aura peut-être l'occasion de se revoir en Europe? Bonne route! J'ai à la fois les tripes un peu serrées de les quitter et en même temps, je suis content de poursuivre mon aventure à moi, d'en vivre un nouvel épisode.

Il a plu une bonne partie de la nuit. J'attends jusque midi avant que le temps ne s'améliore et c'est finalement sous un ciel bleu que je pars, emballé pour la suite. J'ai décidé pour ça, après consultation de cartes et d'avis des gens du coin, de rejoindre la Highway 40, appelée Kananaskis Trail. Je dois d'abord sortir de Canmore, et par la même occasion, des Rocheuses. Mais ce n'est que pour une trentaine de kilomètres car la 40 m'y redirigera illico. Cependant, la brève incursion que je fais dans la prairie est pour le moins subite et spectaculaire. Encore hier, j'étais entouré de monts géants et me voilà soudain à plat, en pleine prairie à perte de vue, avec les montagnes derrière moi en guise de rappel. Ce changement brutal est impressionnant. C'est exactement le sentiment que m'ont donné ces Rocheuses pendant cette semaine, avec le mont Robson au début et tout au long de la traversée des parcs jusqu'à ma sortie actuelle: brusque, sans transition, ça ne chipote pas. On passe d'un décor à l'autre en quelques coups de pédales et en tournant simplement la tête.

Aussi bref soit-il, cet entracte dans la prairie annonce tout de suite la couleur: on est chez les cowboys et les Indiens. Les premiers tipis que je vois font partie d'un complexe touristique, mais cela n'empêche que ça fait tellement parfaitement partie du paysage que ça titille déjà mes souvenirs de gosse aux côtés de héros de BD tels que Buddy Longway et Red Dust. Génial!



Ceci dit, ce sera pour plus tard car la Highway 40 m'éloigne très vite de là et me replonge en montagne. Le profil est très prometteur, avec cette fois l'ascension d'un col à 2200 m.


Et donc, ça grimpe! Et que c'est beau, encore une fois!



Je prends conscience que je n'arrête pas de tourner la tête en tous sens. Je regarde devant moi les pics vers lesquels je me dirige, je lève la tête sur les côtés pour apprécier la hauteur des falaises que je longe et quand j'ai une forêt ou un marais en contrebas, je les scrute pour essayer d'y déceler un animal sauvage. J'ai l'impression que mon cou travaille autant que mes genoux.

C'est ainsi que je détecte à 10 m de moi une tête noire qui me regarde passer sans bouger. Je suis surpris et reconnais un ours noir. Ca commence à en faire quelques-uns! Je suis en côte, donc lent et pas super à l'aise. Je continue ma route en ne le quittant pas du regard, histoire de surveiller ses mouvements. Dès que je m'éloigne un peu, il perd son intérêt pour moi et recommence à manger. C'est le moment que je choisis pour m'arrêter un court instant et le photographier, puis je décampe. Magnifique!


J'arrive après 70 km dans un camping où le responsable m'annonce qu'il est complet. Je lui dit que j'ai juste besoin d'un petit endroit pour planter ma tente, sans rien d'autre, et que je m’accommode de peu.  Il me propose gentiment de m'installer sur sa parcelle, à côté de sa caravane, et gratuitement. Super! Au moment où je m'installe, un gars arrive et me propose de venir m'installer sur sa parcelle car il a plein de place. Lui et sa famille m'ont dépassé sur la route dans la côte avant d'arriver et il se doutait bien que j'aurais du mal à trouver un emplacement libre. Devant cet embarras de choix qui s'offre à moi, je décide finalement d'accompagner ce gentil monsieur. Greg est ici pour le week-end avec sa famille et une autre famille d'amis. Une dizaine de personnes au total qui se partagent deux emplacements mitoyens. Ils sont juste en train de préparer un festin à souper auquel ils me convient. Pour mon premier jour de retour au voyage en solitaire, ça n'aura pas duré bien longtemps!



Tout le monde m'accueille les bras ouverts et avec gentillesse. Greg est pasteur et dit le bénédicité. C'est la première fois que je participe à ce rituel et je suis surpris lorsque Greg parle de moi en remerciant Dieu de m'avoir mis sur leur route et de me joindre à eux. Quelle que soit la méthode, je trouve l'intention super gentille et ça me touche. Après ce moment spirituel, à l'attaque! Le souper est gargantuesque et délicieux! Je m'en fais littéralement péter la panse: du brie avec des noix et des pommes, du saumon, des patates, des ribs, du maïs, des salades et encore plein d'autres choses. Ils me servent copieusement deux énormes assiettes, le tout arrosé de deux bières. J'en ai encore l'eau à la bouche rien qu'à le raconter. C'est la première fois que je mange aussi bien et autant depuis 7 semaines. J'ai même trop mangé et lors de l'après-repas autour du feu, les deux bières et la fatigue aidant, je manque de me planter en me levant. Une super soirée dans une ambiance très chaleureuse et sympathique! Avant de me coucher, je m'enfonce dans les bois pour une bonne gourdouche bien fraîche.

Le lendemain, je suis convié au déjeuner. Au menu, six énormes crêpes avec du sirop d'érable, du yaourt, des fraises, des myrtilles, 4 œufs et des saucisses. Avec ça, je suis complètement rempli et d'attaque pour le col qui m'attend. Je dis au revoir à mes hôtes et avant de partir Greg me demande pour prier pour moi. Je ne suis pas un adepte de prière, mais encore une fois, l'intention qu'il y met, les pensées et les souhaits qu'il exprime pour la suite de mon voyage et ma réussite dans le passage du col me touchent beaucoup. On s'est rencontrés hier et il n'était vraiment pas obligé de dire tout ça. Merci!


Delores and Sheila, the best cooks on the road!
Après ces deux excellents repas, j'ai le ventre bien calé pour attaquer mon ascension. Et elle se passe en effet merveilleusement bien. Je mettrai presque 3h pour parcourir les 35 km jusqu'au sommet, mais sans coup de barre ni fringale. Ceci dit, sur les 300 derniers mètres de dénivelé, je commence à bien sentir le poids de mon chargement dans les jambes et il va être temps que ça s'arrête. Mais je tiens bon car la fin est proche, je la vois. Et le soleil tape! Le beau temps est enfin revenu, il fait 30 °C et je suis trempé.

Pour me distraire un peu, un attroupement de mouflons bloque nonchalamment la route et je passe lentement à côté d'eux sans qu'ils ne s'effraient. Alors que certains automobilistes klaxonnent, je trouve ça magique et en profite.
 
Et puis, ça y est! J'y suis! Un cycliste vient me féliciter en m'offrant une énorme fraise et m'apprend que je viens de passer le col asphalté le plus haut du Canada. Je n'en avais aucune idée! La satisfaction est encore plus grande!

 

Je ne suis visiblement pas le seul à avoir franchi le col. Des mouflons m'ont suivi, tiens.


Je parcours ensuite 65 km  principalement en descente en laissant les hauts sommets derrière moi pour atteindre un camping où, après avoir planté ma tente, je m'allonge dans l'herbe et m'endors pendant une heure. A mon réveil, je m'offre ma première gourdouche vraiment chaude, le soleil ayant bien chauffé l'eau de mes gourdes. Me rendant ensuite à la pompe à eau, je passe devant une caravane où un type m'appelle, complètement intrigué par le voyage que je fais visiblement. Je le lui explique et il n'en revient pas. Il dit: "On sait qu'il y a des gens qui font ce genre de choses, mais on ne les rencontre jamais. Et en avoir un ici, dans ce petit camping, c'est génial. Ma famille ne va jamais me croire!" Pour le coup, il me donne une bière et m'invite pour le déjeuner du lendemain. Décidément, les gens se sont donné le mot pour me faire passer des super moments! Il s'appelle David et est là en vacances avec son fils, Joe. C'est un fermier, un vrai gars de l'extérieur et la force qu'il a dans les mains est impressionnante. Il fait une bouillie de la mienne en la serrant. Je suis sûr qu'il enfonce des clous avec le pouce. Et donc, le lendemain, j'ai droit à des céréales cultivées par David, des fruits, un œuf et du bacon. Merveilleux! Me voici paré pour continuer ma route.


Joe et David



4 commentaires:

  1. Rhaaaaa, qu'est ce que ça donne envie de te suivre !

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  2. On a vraiment trouvé le remplaçant de Nicolas Hulot !
    Sans rire, c'est une aventure exceptionnelle que tu nous fais partager !
    j'en viens à vérifier ton blog tous les jours pour voir si un nouvel épisode est déjà disponible.

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  3. La notion d'hospitalité est franchement très développée là ou tu es!Est ce un élément commun à ceux qui reviennent à l'essentiel? Splandide entr'aide quand on pense que dans un building les gens ne se parlent que pour se disputer,ça fait réfléchir...Continue ta merveilleuse histoire tant imprévisible qu'admirable!Tiou.

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  4. Bravo, on continue à rêver. Tu es notre champion olympique de la découverte et de la belle histoire.

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