mercredi 8 août 2012

 
Alberta - Jasper & Banff National Parks (2)

Rampart Creek - Waterflow Lake

Troisième jour. Nous prévoyons aujourd'hui de rejoindre Lake Louise à 88 km, avec au passage notre deuxième col à 2000 m. Mais le ciel est chargé d'énormes nuages gris et ça sent la drache. On verra bien ce que la journée nous réserve, en espérant bien éviter la douche. Un peu paradoxal quand on pense que ça fait déjà deux jours que je me lave à la gourde... On parcourt d'abord 15 km pour rejoindre la seule station essence sur la route et y prendre un café. N'étant pas amateur de ce breuvage, je me rabats sur un hamburger. Encore un! Ca fait deux heures que j'ai déjeuné, mais j'ai déjà faim. C'est incroyable, tout ce qu'on peut manger lors d'un voyage pareil. Tout y passe, on ne regarde pas à la quantité. De toute façon, notre corps brûle tout, il a trop besoin de calories, surtout lorsqu'il fait frais comme aujourd'hui. Il ne faut pas oublier que c'est notre fuel à nous. Sans ça, on n'avance pas. J'empoigne mon burger dégoulinant de sauce immonde, je le regarde, jette un oeil à Angela et Marco et leur dis: "Jamais je n'avalerais un truc pareil en Belgique. Je crois que ça me donnerait envie de gerber." Ils acquiescent en riant, c'est pareil pour eux. Mais ici, en grand besoin d'énergie, ça a l'air tellement bon! Et je mords à pleines dents dans ce merveilleux morceau de gras. Calories, calories, venez à moi! Peu de temps après, mes amis ne résistent pas à la tentation et vont s'en chercher un. Et comme hier, c'est le moment où l'averse arrive. On a encore réussi à l'éviter. Impeccable! Nous sommes d'accord, il est hors de question de se mettre en route sous la pluie et nous attendons pendant deux heures que cela s'arrête. Je ne suis pas ici pour faire la course et pédaler sous la pluie sans rien voir du paysage serait totalement idiot en plus d'être extrêmement désagréable.

Et donc, deux heures plus tard, le soleil revient, sèche très vite la route, le vent fait dégager les nuages, et on peut repartir en admirant le paysage. Le magnifique lac Waterflow aux couleurs vert opale nous éblouit sur le trajet. C'aurait été dommage de passer à côté presque sans le voir à cause de la pluie.



Pendant qu'on admire le lac, Marco regarde derrière moi et, du ton banal et nonchalant qu'il aurait employé pour désigner une mouche, dit : "Tiens, un ours..." Mais bien sûr... Il aime beaucoup faire des farces du genre: "Tu as vu l'élan?" "Ah non, zut!" "Moi non plus..." Il faut savoir qu'aucun de nous n'a encore vu d'élan depuis le début, bien que nous traversons des contrées où ils pullulent. Mais vu qu'ils ne se montrent généralement qu'au lever du soleil, on les manque. On est donc un peu des gros frustrés de l'élan. Et c'est pour cela que je crois encore à une de ses super blagues, quand il insiste en riant: "Non, il y a vraiment un ours." Je me retourne et en effet un bel ours noir est en train de s'approcher de la route à 50 m de nous. Mais il ne s'attarde pas, rebrousse chemin et j'ai juste le temps de le photographier. Je suis pris entre crainte et excitation. C'est génial!


Mais le beau temps sera de courte durée, car nous allons dans le même sens que le vent et juste un peu plus loin que le lac, on voit clairement qu'on est en train de rattraper l'averse. Un énorme rideau gris foncé dissimule le reste de la route devant nous. Pas de bol, ça. Par contre, le bol, c'est qu'il y a justement un camping sur le bord du lac et on décide de s'y arrêter le temps de voir comment ça évolue. Et ça évolue juste en une superbe averse glacée qui nous contraint à passer la nuit là. Le temps qu'il fasse à nouveau beau, même si le temps change à une vitesse folle, il est en effet trop tard pour repartir, surtout en sachant qu'on a toujours le col à gravir. Nous devrons donc nous contenter de 35 km aujourd'hui.

Il fait froid et la gourdouche est particulièrement pénible. Ca demande beaucoup de volonté de se foutre à poil par moins de 10 °C dans le but de s'arroser d'eau très froide. Après coup, j'ai besoin de revêtir mes sous-vêtements de ski, que j'avais à la base prévus pour l'Alaska, pour me réchauffer une fois le supplice subi. Mais c'est tellement bon une fois que c'est fait! Ce soir, une fois n'est pas coutume, je mangerai des pâtes au beurre et au sucre grâce aux ingrédients emportés du restaurant: des sachets de sucre et des petits pots de beurre. Terriblement bon! Dans ce camping, les habituels coffres blindés pour stocker la nourriture à l'abri des ours sont absents et remplacés par des câbles tendus entre deux arbres à 5 m de hauteur. C'est là que je hisse mes sacs avant de me coucher et de m'endormir sous une nouvelle averse.


Waterflow Lake - Lake Louise

Quatrième jour. Marco et Angela partent avant moi car ils veulent arriver suffisamment tôt à Lake Louise. Ce n'est pas mon cas, je préfère prendre mon temps, je ne suis pas pressé d'y arriver. On se retrouvera donc au camping. Avant de partir, j'ai la visite de deux personnes. D'abord un type qui bosse dans le camping et qui vient s'intéresser à mon matériel. Il est assez sympa, mais me gonfle un peu en jouant au connaisseur, surtout lorsqu'il dit en regardant mon vélo: "Ah, il n'y a pas de moteur? Tu devrais essayer, parfois c'est bien." Bravo, merci, au revoir. La deuxième rencontre est bien plus intéressante car c'est une dame qui me raconte qu'elle a passé son voyage de noces en parcourant l'Europe de l'Angleterre à la Grèce à vélo. J'adore! Ca me donne presque envie de me marier, tiens.



Je démarre ensuite et, juste à la sortie du camping, je croise la route d'un cycliste d'une soixantaine d'années qui se joint à moi pour papoter quelques minutes. Il s'appelle Jeff et est ici avec un ami. Ils sont Américains et traversent les parcs tout comme moi, mais en mode relax, à l'aide de deux voitures qu'ils déplacent suivant un processus complexe de multiples allers-retours afin de leur permettre de transporter leurs bagages. C'est le moment où commence l'ascension du deuxième col. On se dépasse mutuellement plusieurs fois pendant la montée, jusqu'à ce qu'on arrive en haut du col pratiquement en même temps, rejoints par son ami Joe. J'y suis! Un nouveau record dans mes cols, puisque le col de Bow s'élève à 2068 m. L'ascension était longue, pas très escarpée, mais bien longue. Joie!

Col de Bow à 2068 m
 
Jeff m'explique qu'il a travaillé pendant quelques années en Alaska, fait deux fois le tour du monde dans sa jeunesse et qu'il se retrouve un peu à travers moi. Il tient à m'offrir quelque chose et me donne rendez-vous à l'auberge à quelques kilomètres en-bas, de l'autre côté du col. Elle est située sur les bords d'un lac magnifique, encore une fois aux eaux émeraude, du même nom que le col, le lac de Bow. Il m'offre là un chocolat et une soupe et on se raconte nos histoires de voyages. Puis, il me propose, avec Joe, de remonter en voiture jusqu'au col (ils avaient garé une voiture à cette auberge) afin de monter encore plus haut par un sentier et d'admirer la vue qui, paraît-il, en vaut le coup. J'ai peine à en douter et j'accepte, bien entendu. On se retrouve ainsi surplombant une vallée immense, un lac et un glacier dont on peut voir clairement  le retrait. Il venait avant se jeter dans le lac, et maintenant on ne l'aperçoit plus qu'au loin.

 



Joe et Jeff
J'ai passé une heure et demie avec Joe et Jeff, aussi géniale qu'inattendue. Comme toutes mes rencontres, en fait. Les gens sont d'une gentillesse avec moi, ça n'arrête pas. Le moment est maintenant venu d'amorcer ma descente vers Lake Louise. Avec le poids que j'ai, je dois faire bien attention à ne pas prendre trop de vitesse, car ça va vite! A un moment, alors que je dévale à 45 km/h, je vois un ours débouler des bosquets en direction de la route. Sa taille: un mètre au garrot. Un belle bête. Je vais bien trop vite pour freiner ou faire quoi que ce soit. Il est à 10 m  devant moi et j'ai juste le temps de réaliser que s'il continue, je vais me prendre un frontal avec lui et je crie "Ho!" L'ours s'arrête, relève la tête, me regarde et je passe à deux mètres de lui en le regardant droit dans les yeux. Le tout n'a duré que quelques secondes mais cette vision claire, nette et précise de cette tête noire qui me regarde dans les yeux est gravée dans ma mémoire comme une photo. Quel animal magnifique! Et ce qui est bien, c'est que ça s'est passé trop rapidement pour que j'aie eu le temps d'avoir peur. Quel moment! C'est quand je me dis: "J'ai failli avoir un accident avec un ours", que ça me fait bizarre. En même temps, c'est trop la classe!


Arrivé à Lake Louise, je me retrouve en station balnéaire. C'est encore plus blindé de touriste que Jasper. On est à l'entrée sud des parcs et j'imagine que la plupart des touristes commencent par ici. C'est pénible, ça perd tout son attrait. La ville, comme son nom l'indique, est réputée pour ses lacs splendides et pittoresques, mais vu que j'en ai déjà vu un paquet sur ma route, tout aussi splendides mais juste moins réputés, et que je n'ai pas envie de me retrouver au milieu de centaines de gens, je me contenterai juste de passer la nuit ici. Je me rends donc au camping, où mes amis devraient déjà être installés, mais après avoir parcouru les 250 emplacements pendant 30 minutes, je ne vois aucun signe de vie d'eux. Ils ont peut-être continué leur chemin ou sont allés ailleurs? Quoi qu'il en soit, je suis triste de les avoir manqués car j'aurais aimé leur dire au revoir. Après cinq jours passés ensemble, les liens se sont bien resserrés et je trouve dommage de se perdre de vue de la sorte. Là-dessus, je me rends à la réception où ils m'indiquent un emplacement que des gens aimeraient partager. Et c'est l'occasion pour moi de rencontrer de nouveaux potes. Décidément, c'est la journée des rencontres! Ils s'appellent Matthew et Josefin, lui d'Angleterre et elle de Suède. Dans la discussion, ils me disent qu'ils vont au Népal en octobre, précisément au moment où je compte y aller. Super! Ils me donnent les coordonnées de leur auberge où ils résideront et le rendez-vous est pris. Terrible! C'est le cas de dire que le monde est petit.

Matthew et Josefin
Et pour terminer la soirée en beauté, je croise par hasard Marco et Angela en ville en faisant des courses. Tout est bien qui finit bien, on va pouvoir non seulement se dire au revoir, mais aussi parcourir la dernière étape du lendemain ensemble. Ici, vu qu'on est en ville, le camping comporte des douches chaudes. Après trois jours à la gourdouche, ça fait du bien, relaxe bien les muscles et je dors comme un bébé.

Lake Louise - Canmore

 

Dernière étape de cette splendide traversée des parcs de Jasper et de Banff. On n'est plus vraiment en montagne et on longe une rivière dans une vallée au milieu de collines. C'est très beau et calme. A 10 km de Banff, le ciel se couvre subitement et, après avoir juste eu le temps de revêtir nos vêtements imperméables, une averse de grêle nous tombe dessus. Quand je pense qu'on était parti sous un ciel bleu... On arrive donc un peu en catastrophe à Banff, où on s'installe dans un café pour un énorme chocolat chaud en attendant l'accalmie. Elle arrivera seulement quatre heures plus tard, mais nous permettra tout de même de parcourir les 20 derniers kilomètres jusque Canmore, où nous arrivons vers 19h. C'est notre dernière soirée à trois et, dans le froid qui s'installe (4 °C prévus pour cette nuit), on reparle de cette semaine passée ensemble. Elle était géniale. Le feeling est tout de suite très bien passé et l'amitié s'est vite installée, placée sous le signe du rire et de la bonne humeur, de la découverte de paysages spectaculaires ensemble, et du partage de notre passion du voyage à vélo. J'ai le sentiment d'avoir passé une semaine de vacances avec des amis et c'est fabuleux. Merci à vous pour tous ces bons moments!

Voici leur blog: http://beavernbear.wordpress.com/
Il y a de chouettes photos de nous dans la partie Alberta. Et pour ceux qui savent lire l'allemand, c'est encore mieux.

3 commentaires:

  1. Fais gaffe quand même ! je pense qu'un frontal avec un ours à 40Km/h pourrait laisser des traces dans ta barbe ;-)

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    1. Finalement,l' ours m'apparait comme un animal pacifique :quand on le respecte,il te respecte.Un minimum de connaissances s'impose sur son mode de vie s'impose néanmoins pour qu'il ne se sente pas agressé:c'est comme nous les ours européens que nous sommes!Biz de Tiou

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  2. Je te vois trop bien crier "Ho!" à l'ours, avec la même intonation que quand on criait sur les bleus... :)

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