mardi 28 août 2012

 
Wyoming - Yellowstone National Park



Le jour suivant, j'entre dans le parc national du Yellowstone et par la même occasion, je quitte le Montana pour entrer au Wyoming. Il y a beaucoup de trafic ici. On m'avait prévenu, c'est un des endroits les plus visités aux Etats-Unis. Mon premier objectif est d'atteindre le premier camping, car c'est la fin de journée. Après avoir essuyé une averse chaude dont j'ai pu m'abriter, j'arrive à un embouteillage. Je comprends tout de suite qu'il est généré par la présence d'animaux et je m'avance doucement entre les voitures. C'est là qu'à quelques mètres de moi, paissent des wapitis. Il sont énormes, bien plus gros que ceux que j'ai vus jusqu'ici. On dirait un mélange entre un élan et un cerf. Superbe! Mon entrée dans le parc est inaugurée.




La route qui sillone le parc est composée de deux boucles qui se rejoignent en formant un huit. Je suis entré par le sud-ouest et quitterai par le sud. Je ferai le tour par le nord pour parcourir ainsi presque tout le parc.

Aujourd'hui, premier jour, je laisse mes sacs au camping pour faire un aller-retour de 50 km vers le sud, sur la portion qui n'est pas couverte par mon tour. J'y vais un peu par acquis de conscience et pour être sûr de ne rien louper car c'est là que se concentrent les hordes de touristes. C'est en effet le coin géothermique le plus actif du parc, avec le fameux geyser d'Old Faithful, et je ne peux m'empêcher de plus penser aux milliers de touristes que j'ai envie d'éviter qu'à autre chose. J'ai déjà replié toutes mes affaires sauf ma tente car j'ai l'intention de revenir en début d'après-midi et puis de partir. J'ai laissé la tente dressée, on ne sait jamais... Et comment!


Premièrement, la route est splendide. Elle sinue en suivant une rivière et chaque endroit où je pose le regard est incroyablement beau. Rien de spectaculaire, mais juste une nature magnifique. Puis arrivent les fumées qui indiquent les sources et bassins d'eau chaude, que je prendrai le temps de visiter sur le chemin du retour. D'abord Old Faithful, histoire d'en être débarrassé. Mais un nouvel embouteillage surgit. Et là, c'est l'émerveillement. Un bison! A quelques mètres, tranquille. Quelle énorme bête! 



J'arrive ensuite à Old Faithful, le fameux geyser. Les gens sont assis en demi-cercle autour d'un promontoire rocheux qui fume, attendant, certains depuis plus d'une heure, que le jet d'eau sorte. On dirait une secte. J'en ai assez vu, le bassin d'eau qui bout n'est même pas visible, seul le dessus de la cheminée en hauteur l'est. Hors de question d'attendre. Et c'est au moment où je pars qu'il entre en éruption. Quel bol! Le jet d'eau bouillante monte très haut, d'accord, mais le spectacle est bien moins beau et impressionnant que ce que j'ai vu en Islande. OK, mission accomplie, j'ai vu.




Maintenant, retour au camping avec arrêts aux bassins. Et c'est là que ma journée prend une tout autre tournure. Il est midi et je serai de retour au camping à 18h. La route est parsemée de sites géothermiques que je vais explorer et admirer les uns après les autres. Je ne savais pas que cela serait aussi captivant. Autant Old Faithful est de la daube, autant tout le reste est fabuleux. J'y passe tout mon après-midi, la mâchoire inférieure décrochée, juste capable d'émettre des sons pour exprimer mon admiration. J'entre dans une autre dimension dans laquelle je ne vois plus les touristes. Je mitraille, chaque angle de vue offrant des perspectives et des couleurs différentes. Amis de la photographie, bienvenue au paradis des couleurs.



 















Et le clou du spectacle, Grand Prism Basin. Ces couleurs vives créées par des bactéries sont totalement irréelles. Je monte sur une colline un peu plus loin pour pouvoir en avoir une vue plus aérienne. Je reste une demi-heure assis à regarder ce dessin de soleil, quand deux bisons se pointent tranquillement pour traverser le site et offrir un spectacle d'une beauté indescriptible.






Je rentre au camping, bien content d'avoir laissé ma tente dressée, la tête remplie de couleurs. J'ai finalement passé une des journées les plus merveilleuses et surprenantes que j'ai vécues.

Le jour suivant, j'entame ma boucle vers le nord, une partie plus sauvage dans laquelle les animaux, dont les loups, sont plus présents. La route est encore une fois magnifique et, même si l'activité géothermique est moins intense, plusieurs sites remarquables jalonnent ma route. Dans une côte, un bison surgit des bosquets à 3 m devant moi et se met avancer peinard en m'ouvrant la route. Je mets un peu de distance entre lui et moi et le suis doucement. Magnifique!










Je termine la journée par les terrasses de Mammoth Hot Springs.







A plusieurs endroits, je fais également partie de l'attraction, certaines personnes me demandant de poser avec moi pour une photo. C'est drôle et sympa, mais une douzaine de personnes sur la journée qui me demandent si je suis venu d'Alaska à vélo, à la longue, ça devient gavant. Certains me font bien rire avec des réflexions marrantes et originales, mais généralement c'est plat et bateau, surtout venant d'un représentant du tourisme débile. Je me retrouve même à vouloir m'offrir le luxe d'un peu de solitude le soir au camping et évite soigneusement une bande de gars très sympathiques qui m'ont explicitement invité pour que je leur raconte mes histoires. D'ailleurs, en parlant de vouloir être seul, au moment où je prends ma gourdouche derrière des bosquets à l'abri des regards indiscrets, un troupeau d'une trentaine de wapitis débarque autour de moi. J'imagine la photo: moi à poil couvert de savon entouré de wapitis. C'est drôle et je ris, mais je ne suis pas très à l'aise, et ce pour deux raisons. La première est qu'ils passent vraiment très près de moi avec des petits et je me dis que me prendre une charge de wapiti, ça doit laisser des traces. Même si ceux-ci sont des femelles sans bois, elle n'en font pas moins 1,5 m au garrot et je préfère éviter, surtout tout nu. Et la deuxième est qu'ils attirent bien entendu les gens du camping qui rappliquent avec leur appareil photo. Alors, autant je m'en tamponne qu'on me voie à poil, autant je préfère éviter d'être embarqué pour trouble de l'ordre public, exhibitionnisme ou un truc du genre. J'ai l'impression qu'on ne lésine pas trop avec ça ici. D'autant plus que voilà les rangers qui rappliquent, évidemment. Je me rince en vitesse, sans gestes brusques, et les rennes captivant l'attention générale, je passe inaperçu et échappe finalement à une poursuite, que ce soit par un wapiti ou un ranger, nu dans le camping et le privilège d'avoir ma tronche affichée partout avec comme mention "Attention pervers poilu". Bon, et il y aurait moyen d'être un peu seul maintenant?

Le jour suivant est intense puisque je vais m'enfiler la plus grande amplitude de dénivelé du parc. Celui-ci est à une altitude moyenne de 2300 m et je vais aujourd'hui passer de 1800 m à 2700 m, élevant encore par la même occasion mon altitude record. La première partie se passe très bien, je suis frais et c'est le matin. Après mon casse-croûte, vient la deuxième partie, qui est l'ascension proprement dite du col le plus haut du parc. Et celle-là est difficile car je me retrouve avec un vent de face fort pendant toute la montée. J'ai besoin de m'arrêter à mi-course pour dormir une demi-heure, tellement c'est dur.

Un peu à la mode pro, une gentille dame court derrière moi pour me donner à boire. Super! Plus je grimpe et moins on y voit. En effet, il fait très brumeux à cause des incendies de forêt qui sévissent dans toute la région. Un ranger nous a expliqué qu'il y en a actuellement six dans le parc, surveillés de très près mais laissés librement brûler car ils sont nécessaires à la régénération des forêts et font partie de l'écosystème. Et il se trouve que le vent d'aujourd'hui nous en amène les fumées, occultant ainsi le paysage. Ca sent même le barbecue. Finalement, après deux heures et demie de moulinage, j'arrive au sommet sans en avoir vraiment l'impression car, malgré l'altitude, c'est couvert d'arbres. Rien ne me laisserait penser que je suis à 2700 m, si ce n'est la pancarte. C'est incroyable comme on n'a pas du tout la sensation de l'altitude par ici. Depuis que j'ai pénétré dans les Rocheuses au Canada, je ne suis pas redescendu en-dessous de 1200 m, grimpant toujours de plus en plus haut et je suis depuis presque une semaine à plus de 2000 m sans m'en rendre compte. La température, le paysage, rien ne correspond avec mon expérience de ce genre d'altitude. En attendant, mission fièrement accomplie et je redescend gaiement vers le camping où une douche chaude (un des deux seuls endroits du parc à en avoir) m'attend. Quel luxe suprême après une semaine à la gourdouche!

2700 m exactement
Le jour suivant, je le passe en grande partie autour du Grand Canyon du Yellowstone. Je parcours ainsi les différentes routes qui permettent de l'admirer de différents points de vue. Incroyable! C'est tellement grand et les couleurs sont irréelles. Terrible! Et je fais toujours autant partie des attractions, posant pour la photo avec mon vélo et parfois les gens eux-mêmes. J'ai parfois envie de leur dire qu'il y a un truc vachement plus intéressant derrière eux, mais bon...


 







Le jour d'après, je reste principalement à 2400 m, sinuant et évoluant dans des vallées immenses et magnifiques, dont Hayden Valley. J'ai lu qu'elle était très fréquentée par la faune sauvage. Lorsque je vois des voitures arrêtées, je me dis donc qu'il doit encore y avoir une bête dans les environs. Je ralentis, approche d'un monticule, passe derrière... Et là! Des centaines de bisons! Magnifique! Pendant une heure, j'avance sur la route, entouré de troupeaux qui, de temps en temps décident de traverser. C'est toujours un peu stressant, surtout pour moi à vélo, car tandis que les voitures s'arrêtent pour les laisser passer, je me sens beaucoup moins protégé si l'un d'eux venait à s'énerver. J'en vois un galoper et je peux dire qu'une tonne de muscles lancée à 50 km/h avec une tête de la taille d'une table de salon, ça inspire la prudence et le respect. C'est donc toujours très attentivement, regardant dans toutes les directions que j'avance lentement entre eux. Et là, grâce à mon vélo, je me sens voyager dans et avec la nature. C'est merveilleux! Un moment très fort.










Le lendemain, je quitte le parc le coeur serré. C'est un peu comme si toute l'émotion que j'ai accumulée ces derniers jours avait besoin de sortir et j'en ai la gorge serrée. Ce Yellowstone a vraiment été un des épisodes les plus marquants de mon voyage, tant au niveau de la variété des merveilles qu'il a à offrir que de leur intensité. On a l'impression d'être dans un autre monde. Et le parcourir à vélo est, encore une fois, encore plus grisant. On le vit pleinement, à chaque seconde et à chaque mètre. Fabuleux!