samedi 30 juin 2012

 
Alaska - Denali National Park

Finalement il fait crado le lendemain. Il pleut sans arrêt et les nuages sont tellement bas qu'on ne voit plus du tout les montagnes. Le voilà, mon jour de repos. Imposé. Il y a tout ce qu'il faut dans ce camping pour y passer un jour de glande.

Aujourd'hui, le ciel est toujours couvert, mais il fait sec et je suis bien reposé. J'enfourche donc ma monture pour la dernière étape qui me sépare du parc national de Denali. Sur la route, je croise deux cyclistes. Le premier est fou. Complètement. On se parle deux minutes, pas plus, mais il ne m'écoute même pas. Il a l'air complètement coké, il est survolté et plein de tics. Il se tire d'un coup. Ouf! La deuxième rencontre est beaucoup plus sympa. C'est un gars qui a démarré son trip tout au nord, sur les bords de l'Océan Arctique, et traverse le pays jusqu'Anchorage. Un très chouette gars. On papote et on rit sur le bord de la route pendant une demi-heure, puis on reprend chacun notre route. 



Enfin l'arrivée au parc! Après 550 km, 7 jours et un dérailleur, m'y voilà. Une route en graviers de 140 km s'enfonce dans le parc, mais n'est pas accessible aux véhicules privés motorisés afin de préserver le plus possible la nature. Les vélos, par contre, y sont autorisés. Cependant, j'ai envie de changer de formule et décide de m'installer pour deux jours dans le premier camping et de m'inscrire toute la journée de demain dans un bus qui fera le trajet aller-retour avec pour mission l'observation de la vie sauvage. Lors de l'enregistrement à l'entrée du parc, une belle surprise m'attend. Beaucoup de règles régissent ce parc et, bien sûr, il faut payer pour tout. J'explique à la poupée de l'accueil, qui affiche que tous les campings sont pleins, que je voyage à vélo, n'ai aucune réservation et aimerais camper ici et aller dans le parc en bus demain. Pas de problème, il reste des places de camping et elle m'inscrit illico dans un tour pour le lendemain. J'avais lu qu'il fallait pourtant réserver bien à l'avance... Au moment de régler la note, je me rends compte que le prix demandé est dérisoire et comprend seulement les deux nuits de camping. Je lui demande quand je devrai payer l'entrée au parc et le bus et elle me répond en me tendant le ticket du bus : "Ne t'en fais pas pour ça. On apprécie beaucoup les gens qui viennent jusqu'ici à vélo. Pas d'impact sur la nature. C'est cadeau." Waouw! Dans un pôle touristique pareil, où tout est payant, même la douche (qui m'est aussi offerte), c'est tout simplement génial. Tout est tellement fait pour décourager et limiter les véhicules personnels (tarifs, règles, etc), que j'avais eu du mal à comprendre le truc en lisant le guide et je ne savais pas ce que j'allais pouvoir faire. Finalement, on me déroule presque le tapis rouge parce que je traverse le pays à vélo. Ca, c'est motivant! En plus, ça me fait une jolie économie. Pour le coup, je m'offre la Guinness la plus chère de l'univers: 13 dollars.

Je passe la soirée avec mes deux voisins, un père et son fils. Le gars a l'air d'avoir beaucoup de mal à vivre ici et ne comprend pas comment je fais pour pédaler seul là-dedans. Pour la peine, il m'invite à leur table, m'offre un steak grillé au barbecue et sort du whisky canadien. Les Canadiens font certainement plein de choses très bien, mais ils devraient arrêter le whisky. Ils ratent. N'empêche que je me couche quand même un peu caisse, le gars a la main légère et ça fait tout de même plaisir. Chouette soirée! Je me fais aussi un autre petit pote qui essaie de venir chiper ma bouffe. A cet effet justement, il y a des containers blindés prévus dans lesquels on est obligé de stocker toute notre nourriture. Ca ne rigole pas, et les rangers viennent vérifier.




 

 

 

Visite du parc

J'embarque à 9h dans un vieux bus scolaire pour un trajet de 8h dans le parc. La consigne est de crier "Stop!" dès qu'on voit un animal et le chauffeur s'arrête. En parlant d'animaux, ceux qui m'entourent dans le bus valent aussi le déplacement: des vieux à casquette, des gros à casquette, des familles à casquette.

Que de l'Américain très très moyen. Ils sont à Disney Land et applaudissent comme des gosses quand le chauffeur demande: "Vous êtes prêts? Faites connaissance avec votre voisin car nous sommes tous des amis ici." Et merde... Je m'attends presque à ce qu'ils entonnent en choeur une ode à Jésus. Heureusement, en parlant de voisin, je suis encore une fois bien tombé. Cinq sexagénaires de New-York, rien à voir, ouverts, cools, une pêche d'enfer et qui sont là pour se bidonner viennent s'installer près de moi. Ils boivent des bières en cachette et se moquent des autres vieux. C'est génial!

Pour la visite du parc, je ne vais pas m'étendre, mais plutôt laisser les photos parler. C'est le sauvage à l'état pur. Merveilleux, immense. Le temps est très couvert et on n'aura donc pas de vue sur les hautes montagnes enneigées (que j'ai quand même vues de loin sur la route en venant il y a quelques jours), mais déjà comme ça, c'est à couper le souffle et j'en ai les larmes au yeux. On verra aussi pas mal de vie sauvage: des ours, des coyotes, un loup, des caribous et des mouflons. J'ai été très ému en voyant les ours et le loup. C'est bizarre de les voir en vrai devant soi, juste vivre dans leur élément naturel. Ca fait presque irréel.

coyote






grizzly



loup


caribous
Au final, j'ai bien fait de prendre ce bus car j'ai vu bien plus que si j'avais été seul à vélo. Quarante paires d'yeux qui cherchent sont plus efficaces qu'une seule, surtout si elle doit faire attention à la route. Et puis, j'ai bien ri avec mes voisins.
 
Le soir, de retour au camping, je rencontre trois cyclistes: un Californien et un couple du Colorado. Ils n'ont pas envie de payer pour le camping et me demandent s'ils peuvent squatter ma parcelle. Ils ont l'air bien cools et je les invite volontiers. Ils tiennent à me payer la moitié de la nuit et le Californien va chercher des bières. On passe une super soirée à quatre avec nos bières et nos histoires. Le Californien est complètement caisse après deux pils qui sont presque de l'eau. C'est drôle, il ne tient pas du tout. Le couple du Colorado me donne leurs coordonnées car ils habitent près de Denver, où je termine mon voyage en septembre, et ils me proposent de passer chez eux et de me conduire à l'aéroport. C'est incroyable, le nombre de rencontres sympas et géniales que je fais ces derniers jours. Il faut que je pense à prendre des photos d'eux!




mardi 26 juin 2012

 
Alaska - Sur la route du Nord (2)


J'ai moins le moral qu'hier et la mise en route est difficile. Le ciel est sombre, couvert et je me retrouve nez à nez avec mon problème de dérailleur que je vais devoir gérer aujourd'hui. J'ai un peu peur du verdict et je me prépare au pire. Je suis aussi un peu démoralisé à l'idée de devoir refaire le trajet d'hier, qui n'était pas des plus sympas. Bon, à l'attaque! Une heure et demie après que l'hôte du camping, bien gentil, m'a appelé un taxi, le voici qui arrive. Ca tombe bien, c'est un monospace, il y aura la place pour mon bexon. Sur le chemin, je visualise ce que j'ai parcouru la veille et ça me semble énorme à refaire. Une heure plus tard, je débarque devant le magasin de vélos et le type d'hier, qui m'a reconnu, sort voir ce qu'il se passe. Je lui montre mon éclopé et sa réaction ne laisse planer aucun doute, il va falloir opérer. Après diagnostic, il m'annonce ne pas avoir la pièce qui tient le dérailleur au vélo. C'est ça le plus chaud. Son plus grand challenge est alors de redresser la mienne, qui est complètement tordue, à l'aide d'un étau, sans la casser. Il y arrive finalement très bien et me dit au bout d'un quart d'heure: "OK, sans vouloir m'avancer, je pense qu'il y a moyen." Ma chance: il a juste un exemplaire de dérailleur qu'il me faut. Ouf! Il installe le brol, change ma chaîne qui est tordue, remplace le câble, met un nouveau rayon, et après 2h de soins intensifs, il me rend l'animal, prêt à reprendre la route. Merci chef! Tu ne t'es pas gouré de métier, toi. Alors que je m'étais résolu à attendre le lendemain dans le meilleur des cas, il est 14h30, le ciel est maintenant tout bleu, il fait chaud et j'ai tout le temps de reparcourir ces 60 bornes. Autant les faire le plus vite possible, j'ai une revanche à prendre. Et ces bonnes nouvelles m'ont foutu la pêche! 

Après plus ou moins trois heures de route, je retrouve le lieu du crime et en profite pour y dresser une sépulture en hommage à feu mon dérailleur et me recueillir quelques instants. La vie n'a pas toujours été facile à deux, tu avais tes petites crises: "Non, j'ai pas envie de passer la vitesse. Et puis, je vais sauter la deuxième. Et tiens, je vais dérailler en pleine ascension." Mais en gros, on en a fait de belles, tous les deux. L'air de rien, ça demande de l'attention, ces choses-là. On croit que tout est acquis et on ne fait plus d'efforts, jusqu'au jour où elle te claque entre les doigts et te plante sur le bord de la route. Non merci, je n'ai pas besoin de femme, j'ai déjà ce qu'il faut. Après ces instants poignants, je continue mon chemin jusqu'où j'aurais dû arriver hier, Nancy Lake, où je m'arrête dans un dry camping, c'est-à-dire sans douche. Il y en a beaucoup ici. Ce sont juste des camps entretenus par l'Etat dans lesquels la douche est visiblement un luxe dont on se passe. Je suis couvert de sueur, de crème solaire, d'anti-moustiques et de poussière. J'en ai trop besoin, le lac fera office de douche, froid ou pas. Je pique une tête devant les pêcheurs et tout compte fait, l'eau n'est pas si froide. Plus tard, je ferai un feu de bois pour éloigner les moustiques et pouvoir manger peinard sans me foutre des baffes. C'est pénible, même avec du répulsif car ils passent à travers les vêtements et ils arrivent toujours bien à trouver le centimètre carré de peau qu'on n'a pas enduit.

Le lendemain, il fait toujours aussi beau. On approche les 30°C. Oui, je suis en Alaska. J'ai beaucoup de chance car ce temps est exceptionnel. Je continue ma route sur la George Parks Highway, qui devient de plus en plus sauvage. J'ai droit à mon premier aigle royal qui vient planer à moins de 10 m au-dessus de ma tête. Impressionnant et majestueux! C'est la première fois que je vois un oiseau aussi grand d'aussi près. Ouais, à part au zoo, mais bon... En fin de journée, une voiture s'arrête devant moi et je vois sortir un gars que j'avais rencontré deux jours auparavant au camping. Il avait été un peu envahissant, tenant absolument à me dire où je devais aller et ça avait duré un peu trop longtemps à mon goût. Il avait l'air d'être en demande de contact social, alors qu'il était entouré de sa femme et de ses six gosses. Etrange...

Le revoici donc sur le bord de la route, s'avançant vers moi. Et il est ravi de me retrouver! De prime abord, je crains qu'il me retienne encore, mais très vite, ça me fait plaisir de voir à quel point il est heureux de me voir. Il me donne deux bouteilles d'eau glacée, un Snickers et, le meilleur, du saumon pêché et fumé par lui-même. En fait, il est carrément fier, fier de prendre part à mon aventure. "Tu te souviendras de moi, hein? Tu n'oublieras pas Ken Spain!" Finalement, il me touche, ce gars. Il a des paluches à foutre les jetons à un grizzly et une tonche d'ancien taulard mais il est comme un gosse face à moi sur mon vélo, tout impressionné. J'ai l'impression d'avoir illuminé sa journée. En tout cas, lui a illuminé la mienne et je repars gonflé d'énergie. Il m'a dit qu'on se recroiserait sûrement dans deux jours, vu qu'il n'y a qu'une route. Il me faudra une photo avec lui!

Dix minutes plus tard, je m'arrête à Trapper Creek pour camper. Jamais dans mes rêves les plus fous je n'aurais espéré m'arrêter dans un bled appelé Trapper Creek. Les gens sont crados, c'est parfait. Je m'attends presque à voir Lucky Luke débarquer. Ce soir, je mangerai mes pâtes traditionnelles avec le saumon de Ken. Il l'a fait mariner dans un peu d'huile. C'est un régal! Délicieux! J'espère le revoir pour le lui dire. Et peut-être en avoir encore? Ma tente est en plein soleil et il fait chaud jusque 22h. Avec un coucher de soleil à minuit et un lever à 3h, la nuit reste totalement claire et la température ne baisse pas beaucoup. C'est gai!

Le lendemain, les conditions sont toujours aussi bonnes mais je commence à sentir la fatigue. Sur le chemin, on peut enfin admirer le mont McKinley qui écrase tout de son immensité. J'ai beaucoup de chance, il paraît qu'on ne le voit pas souvent. Tiens donc... 


Mont McKinley (6196 m)
L'étape sera un peu plus pénible à boucler, mais je fais tout de même 85 km et je m'arrête à nouveau dans un State Park à Byers Lake. Chouette, il y a encore un lac et je vais pouvoir en profiter pour me décrasser. Couché sur le ponton en train de sécher, je fais la connaissance d'un Québecois. A priori content de parler à quelqu'un, qui plus est, en français, ma joie sera de courte durée. Après m'avoir demandé ce que je faisais comme trip, le gars se la joue blasé et me passe en revue ce que lui a fait, fait et va faire. L'à quel point lui aussi est un aventurier, et qu'il a nourri un ours en lui donnant un biscuit à la main, qu'il a campé dans New-York quand il était jeune, et qu'il a pas peur, et blablabla. Lourd! Je me mets très vite un mode by-pass, mon regard dans le vide, et je pense à autre chose pendant qu'il continue son monologue. De toute façon, il a juste besoin de s'entendre parler. Il m'invite à passer à son mobilhome où il se plaint que sa femme et ses trois soeurs l'attendent. OK, j'ai compris, encore un qui se fait chier.



Plus tard, deux jeunes gars passent à ma tente et me tendent une bière: "On t'a vu seul avec ton vélo et on s'est dit que tu avais sûrement besoin d'une bière." Ils ont lu dans mes pensées. Et cette rencontre-là est très chouette! On parle de tout, d'Europe, d'Amérique, ils sont sur le cul de ce que je fais à vélo, on rit. La responsable du camp passe, ne me fait pas payer et reste papoter avec nous. Bref, je passe une très bonne soirée et leur compagnie m'a bien encouragé. Merci, les gars! Oh zut, avec tout ça, j'ai oublié mon Québecois... Pas de chance.

Je vais me coucher, mais avant ça, je réunis toutes mes vivres dans un sac que je vais mettre à quelques mètres de ma tente. Pas de nourriture dans la tente! Ici, on ne rigole plus, on est sur le terrain de jeu des ours. Bon, il ne faut pas s'inquiéter, l'ours ne chasse pas l'homme et très peu s'aventurent dans les campings. Mais ça peut arriver, s'il a très faim, qu'il sente notre nourriture à des kilomètres à la ronde et qu'il vienne se servir. Il vaut donc mieux éviter les surprises car c'est dans ces cas-là que ça pourrait se révéler dangereux, si l'ours est surpris et prend peur.

Le jour suivant, mon sac est toujours là, intact. Par contre, le soleil, lui, est parti et la pluie est arrivée. Le temps alaskien standard est revenu. Et avec ça, encore plus de moustiques! C'est une vraie calamité. N'étant pas très en forme et vu le temps, je traine dans ma tente, hésitant à rester là la journée pour récupérer. Mais il fait morne et triste et les moustiques m'empêchent de sortir de la tente et d'être relax. Je profite d'une accalmie pour me décider à bouger et je replie mes affaires, emballé dans ma moustiquaire.
A peine depuis 10 minutes sur la route, voilà la pluie qui revient. Et elle ne me lâchera plus pendant les trois heures suivantes. Quelle merde! En plus, je suis crevé et je n'ai pas le moral. Toute la journée sera pourrie. Je ne vois rien du paysage et je suis trempé car, même si j'ai mes vêtements de pluie, il fait trop chaud et je sue comme un bouc en-dessous. La route est monotone, les distances immenses. J'avale juste des kilomètres en me trainant, espérant que ça passe le plus vite possible. Je croise Ken, comme prévu, mais il fait tellement dégueu, qu'il ne traine pas et donc, pas de photo. Y a vraiment rien qui va. Après 65 km, au moment où la pluie se calme, je trouve un espace plat sur le bord d'une rivière où je décide de camper. Je n'en peux plus, j'en ai trop marre. Aucun plaisir aujourd'hui. Heureusement que j'ai pu me tremper dans le lac hier, car la seule douche que j'aurai aujourd'hui, c'est la drache. Au même endroit, cinq jeunes sont en train de mettre à l'eau un kayak et un raft. Il vont descendre la rivière pendant cinq jours. Je passe une heure avec eux à papoter pendant leurs préparatifs et ça me change les idées. Ils viennent du Colorado, juste où je compte terminer mon voyage, et me conseillent de passer à Fort Collins, où il y a neuf brasseries, dont la meilleure s'appelle The New Belgian Brewery. Terrible!

Le jour d'après, il fait meilleur et je me sens beaucoup mieux. Il faut dire que je me suis mis au lit à 20h et que je me suis levé à 11h. Je crois que j'en avais besoin. Même si j'ai beaucoup plus la forme, je n'en ferai pas moins une étape courte, sans forcer. Le paysage commence à varier et les forêts laissent tout doucement place aux plaines. La vue se dégage enfin. Je m'arrête à Cantwell, à 27 miles du parc Denali, mon but. Ce sera pour demain. Pour l'heure, je profite d'un petit resto pour m'enfiler un énorme burger et une soupe de montagnard. Que ça fait du bien! A l'heure qu'il est, je me suis posé dans le camping d'à côté, où je vais pouvoir prendre une douche. Quel luxe! Un écureuil vient me dire bonjour. Il est là, juste devant moi, à 3 mètres. C'est chouette de voir ces animaux sauvages qui se sentent chez eux et n'ont pas peur de nous. Tiens, je me demande quel goût ça a...

jeudi 21 juin 2012

 
Alaska - Sur la route du Nord (1)


Je me réveille d'abord à 3h30 et puis finalement à 6h30, ce qui me fait 10h de sommeil et pratiquement un retour à un rythme normal. Je me sens enfin prêt à partir. Il est 10h et j'enfourche ma monture, destination le parc national de Denali, à environ 350 km, 5 ou 6 jours de route si tout va bien. Le temps est splendide et il fait super bon. La sortie de ville n'est pas évidente car la seule route est une autoroute, ce qui me fait d'abord flipper car je ne vois pas comment je pourrais faire pour l'éviter. Après avoir un peu tourné en rond je découvre qu'il y a une piste cyclable dissimulée dans les fourrés de l'autre côté de l'autoroute. C'est carrément une route miniature, entretenue et revêtue de tarmac. Un vrai plaisir. Le trafic est assez intense et désagréable, mais la vue sur la chaîne de montagne dans le fond est vraiment magnifique. Après 50 km comme ça, je peux enfin prendre une route secondaire et m'éloigner. C'est superbe et immense. J'ai l'impression de ne pas avancer, tellement les espaces sont grands.




Les eaux de la rivière que je longe sont bleu-gris car l'hiver a été très rigoureux. Il y a eu énormément de neige et le dégel a fait monter les cours d'eau tout en les alimentant de boue. Le résultat est magnifique.
Je parcourrai au final 87 km. Je ne m'attendais pas à autant pour une première journée, d'autant plus que mon vélo est bien plus lourd que d'habitude et je le sens bien dans les jambes. Arrivé à un camping à 16h, je me mets à l'aise sur un emplacement normalement réservé aux camping-cars. Les emplacements pour tentes que le responsable m'avait indiqués étaient en effet de tout premier choix: en contre-bas dans un sous bois, à l'ombre, pleins de moustiques, humides, pas d'herbe et le sol était tout sauf plat. Non merci! Je m'installe donc en plein soleil sur du plat et dans l'herbe. Le soleil tape vraiment et je cuis. Qui aurait cru que je rôtirais en Alaska?
 



Le bol... puis la cata

Le lendemain, il fait moins beau, mais c'est toujours agréable. En passant par la ville de Palmer, je tombe sur un atelier de vélos, un vrai. Si ça, c'est pas du bol... J'explique au gars mon problème de vitesses, il jette un oeil, redresse le dérailleur, qui a été un peu plié pendant le vol, règle des bazars, retend des brols, et après 15 minutes, mon vélo est comme neuf, les vitesses s'enchaînent tranquillement. Impeccable! Je continue ma route et m'engage sur la George Parks Highway, qui mène droit au parc Denali. Encore une fois, heureusement qu'il y a une piste cyclable tout le long, car l'inconvénient de ces pays dominés par la nature est qu'il y a très peu de routes, donc tout le monde prend la même et on se retrouve finalement avec pas mal de trafic. Assez paradoxal, en somme. Il faut bien 40 km avant que le trajet devienne plus agréable et qu'on se retrouve plus dans la nature. Ceci dit, les camions s'enchaînent et font du boucan. Ce n'est pas super marrant, mais je n'ai pas le choix, il n'y a aucune autre route. J'espère qu'à la longue, ça ne me tapera pas trop sur le système et que j'arriverai à trouver des passages plus sympas. Tout à l'heure, en repensant au gars qui a réglé mon vélo, je me disais que j'avais pas mal de bol jusqu'ici et qu'il arriverait quand même bien un moment où je me prendrais une tuile. Je n'ai pas dû attendre longtemps... Après 60 km, j'entends un truc qui se prend dans ma roue arrière, je freine pour m'arrêter le plus vite possible, mais c'est trop tard. J'entends un énorme clac! et mon dérailleur explose en morceaux. Je ne sais pas ce qui s'est passé, je n'ai retrouvé aucune branche ou quoi que ce soit sur la route. Ou bien le dérailleur était abîmé et a claqué? Je ne le saurai jamais et ça m'est égal, c'est fait. Tout de suite, analyse optimiste de la situation: je n'ai rien. Pour le même prix, j'aurais pu me retrouver la tronche à terre. Donc, rien de tragique, juste du matos cassé. Ceci dit, c'est très emmerdant et très cassé. Et j'ai aussi un rayon pété. Plus moyen du tout de pédaler. Mais ça aurait pu être pire car dans ma mésaventure, j'ai du bol: je ne suis pas encore trop engagé dans la brousse et j'ai passé il y a 6 km un camping, donc un endroit où il y a des gens. De plus, grâce à ce matin, je sais où trouver un réparateur de vélo, qui n'est qu'à 60 km. J'avais pensé faire du stop, mais trop dangereux, les bagnoles tracent et la piste cyclable n'est pas du bon côté. Je rebrousse donc chemin à pied en me laissant rouler dans les descentes et une heure plus tard, me voici au camping. Voilà, vu le nombre de voyages que j'ai déjà faits, ce genre de grosse merde avait des chances d'arriver un jour. Je vais sûrement devoir appeler un taxi pour rejoindre Palmer, à moins que je ne trouve quelqu'un qui m'y emmène. Mais je n'ai pas envie d'attendre des heures pour ça. On verra. J'espère que le gars a des dérailleurs en stock et qu'il pourra remplacer le mien. Sinon, on avisera. Mais relax, je garde le moral.



mardi 19 juin 2012

 
Alaska - Anchorage (2)

J'ai réussi à me rendormir de 2h à 5h et finalement, je me sens beaucoup mieux et j'ai envie de partir. Je décide néanmoins de passer encore une journée en ville avant de démarrer, histoire d'assurer le coup et d'être bien retapé. La journée est superbe, il fait 25°C avec un petit vent rafraîchissant, le soleil chauffe et j'en profite pour faire un tour de ville, cette fois à pied, en enfilant ma casquette de touriste afin d'aborder un peu plus l'aspect "culturel" du coin. On a beau être en Alaska, Anchorage n'en reste pas moins une ville des Etats-Unis avec tous ses clichés.
J'en profite pour acheter le salvateur répulsif à moustiques et j'entame peinard mon petit tour. Je me fais aborder par un gars qui a pris l'avion avec moi et m'a reconnu. Je lui raconte mon projet et il me donne son numéro de téléphone au cas où j'aurais un problème. Les gens sont super! Trois jours que je suis là et j'ai déjà deux numéros. Bon, je n'ai toujours pas de téléphone, mais on s'arrangera. A la réception de l'auberge, le gars me tend une bombonne de gaz: "Tu n'aurais pas besoin de ça? Quelqu'un l'a laissée. Tiens." Génial! C'est habituellement ce que je fais aussi avant de reprendre l'avion, laisser mes bombonnes dans le dernier camping ou hôtel pour le suivant qui passera par là. Aujourd'hui, c'est moi le suivant. Juste retour des choses. Cool!

  
  






Demain, j'espère avoir plus ou moins récupéré un rythme de sommeil normal et pouvoir démarrer mon aventure vers le parc national de Denali, à 350 km au nord. En tout cas, je me couche à 20h30 sans avoir eu besoin de dormir pendant la journée. C'est de bon augure.