dimanche 28 octobre 2012


Thaïlande - Mésaventures à Koh Samui

Après ces 5 jours de repos, je suis maintenant guéri et j'ai planifié de profiter de mon incursion imprévue dans le coin pour aller passer mon brevet de plongée sur Koh Tao, une autre île qui est réputée dans le monde pour ses sites superbes. Super, je suis emballé, chouette projet, le départ est prévu pour demain et j'ai déjà acheté mon ticket de bateau.

Mais les îles tropicales paradisiaques ont leurs pièges dangereux et pernicieux qui ne font pas de cadeaux au non-initié. Non, je ne suis pas tombé sous la coupe d'une masseuse qui me séquestre chez elle en m'ayant coincé les chevilles derrière la nuque. Non plus, je ne me suis réveillé sans souvenirs de la veille aux côtés d'un ladyboy. Non, rien de tout cela.

Juste avant la cata
Hier après-midi, je pars me baigner dans la mer. Le courant a amené des coquillages qui n'étaient pas là le matin, et le sol en est maintenant jonché. Pas évident de marcher, d'autant plus que l'eau est toute trouble. On n'y voit rien. Prudemment, mais sans réellement savoir quels sont ces obstacles douloureux que j'essaie d'éviter, je teste ma goPro en prévision du stage de plongée. En voulant me relever, je mets le pied sur un truc qui me fait mal. Réflexe, j'évite le bazar en faisant un pas de côté tout en perdant l'équilibre. C'est là que, de tout mon poids, je shoote dans quelque chose qui me fait l'effet d'une pierre. Vachement douloureux. J'inspecte en vitesse mon pied, mais je ne vois rien. Je ramasse alors à l'aveuglette un des trucs qui trainent dans le fond et je découvre un morceau de corail ou de coquillage dont un côté est aussi tranchant qu'une lame de rasoir. Ca fait vraiment peur. Je n'ai quand même pas marché là-dessus? Vu que j'ai tout de même vachement mal au pied et que ce rasoir me fout les jetons, je décide de ne plus trainer et de sortir de l'eau. Je m'assieds sur le bord pour inspecter une nouvelle fois mon pied au cas où j'aurais mal vu. Et j'avais mal vu... Car j'ai maintenant une vue plongeante sur le steak de mon gros orteil. Une entaille de 1 cm de profondeur le parcourt sur toute sa longueur. Et ça pisse le sang. C'est très laid à voir et je sais immédiatement que c'est direction l'hôpital. Je prends tout d'abord peur en voyant l'ampleur de la blessure et la profondeur de l'entaille, et l'espace d'une seconde, je veux nier l'histoire et faire semblant de rien pour fuir les ennuis et toutes les conséquences que ça aura sur mon voyage. Mais heureusement, je chasse cette idée saugrenue instiguée par la panique et reprends tout de suite mes esprits. Sans trop oser regarder à nouveau le bazar, je vais calmement mais vite rassembler mes affaires. J'ai déjà retrouvé mon sang-froid.

Je suis seul sur cette plage. Il faut que je trouve de l'aide. Tout en marquant mon chemin d'une belle trainée de sang, je sors de la plage et me dirige vers un groupe de gens en train de picoler à une terrasse et que j'avais entendus parler français plus tôt. Je leur demande de l'aide pour me conduire à l'hôpital. L'un d'eux commence à faire le mariole, genre "je sais tout et j'ai tout vécu et je suis retraité ici et je connais le coin et j'essaie de te faire peur avec mon expérience à deux balles", mais il la met très vite en veilleuse en voyant le spectacle de mon steak saignant. Je ne rigole pas. Ca leur fout même les jetons à tous. Et à moi aussi... Il ne résiste tout de même pas à me gratifier d'un bon: "Ah t'es Belge? Un vrai? Ah mais c'est pas grave. Ahahah!" Une dame thaï me fait alors un bandage de fortune, puis le mariole, qui se prénomme Xavier, me prend sur son scooter pour m'emmener à l'hosto. Sur le chemin, il me lâche: "Tu vois, la prochaine fois qu'on te dira que les Français sont des cons, tu pourras dire que non." Et là, je ne peux faire que rire. Ce type est une vraie caricature. Et il rit aussi, il est content de ses blagues. Ceci dit, il m'aide vraiment beaucoup et je lui en suis très reconnaissant. Heureusement qu'il était là. Il pousse même la gentillesse jusqu'à demander aux réceptionnistes de l'hôpital de l'appeler quand on en aura terminé avec moi afin qu'il puisse venir me rechercher. Il se retourne alors vers moi et me parle en anglais. Enfin, il essaie... Je trouve ça curieux et lui rappelle que je parle la même langue que lui. "Juste!", se souvient-il, et il enlève ses lunettes de soleil, me dévoilant ainsi pour la première fois la couleur de ses yeux: rouges et vitreux. Je me rappelle en effet qu'il picolait quand je lui ai demandé de l'aide. Il est complètement caisse.

Débarqué à l'hôpital, je suis très bien reçu et pris en charge dans la minute. Hygiène, personnel compétent et gentil, tout va bien, Xavier m'a mené à bon port. Après la piqûre d'anesthésiant, le médecin me nettoie la plaie vigoureusement puis me place cinq points de suture. Quinze minutes plus tard, mon orteil est joliment enrobé d'un pansement. Je suis soulagé, le plus important était d'être pris en charge et soigné correctement. Le médecin me dit de faire très attention car la coupure est vilainement sérieuse et sous ces latitudes tropicales, on ne rigole pas avec l'infection. Ca peut très vite prendre des proportions dramatiques si l'on n'est pas vigilant. D'ailleurs, le verdict est sans appel et fait mal. C'est le plus dur à encaisser pour moi. Je suis premièrement bombardé d'antibiotiques à raison de 4 par jour pendant une semaine. De plus, non seulement je dois garder la blessure bien sèche pendant 7 à 10 jours et éviter tout contact avec l'eau, mais je dois revenir tous les jours à l'hôpital la nettoyer et changer le pansement. Les fils me seront retirés dans une semaine. Je suis donc assigné à résidence à proximité de l’hôpital dans l'incapacité de faire quoi que ce soit. Dur pour le moral.

A la sortie de l'hôpital, Xavier est là, fidèle à sa promesse. Je monte sur son scooter avec un peu de crainte car je ne sais pas ce qu'il s'est encore enfilé depuis tout à l'heure. En plus, il me raconte qu'il s'est planté à moto il y a deux mois et que tout le monde ici roule bourré. Bon, j'aimerais quand même bien éviter d'ajouter la gamelle à scooter à l'orteil charcuté. Mais tout va bien et nous arrivons sains et saufs. Je remercie Xavier en lui offrant une bière. "Mais il ne faut pas, j'ai fait ça avec plaisir.", dit-il en me prenant la bouteille des mains. Là-dessus, il téléphone à un de ses potes à qui il raconte notre aventure: "Ouais, j'ai aidé un Belge qui s'était coupé. Non, pas un Belge des blagues belges, un vrai. Bon, j'arrive chez toi, sors le pinard." Sacré Xavier! La retraite dans le coin a du bon.

Je me retrouve maintenant seul face à mes désillusions. La Thaïlande est décidément synonyme de convalescence pour moi et se refuse à ce que je la visite. J'espère que j'en verrai quand même autre chose. En attendant, mon stage de plongée à Koh Tao, dans l'os. J'avais déjà pris les contacts et réservé, mais heureusement pas payé. Je ne peux même pas utiliser le billet de bateau que j'ai déjà acheté pour y aller, car le médecin m'a fortement conseillé, même s'il y a une clinique sur Tao, de rester ici dans les environs. Il m'a plusieurs fois répété de faire très attention. Je vais donc rester ici et retourner, du moins les premiers jours, à cet hôpital où les gens sont compétents et me connaissent. Puis on verra comment ça cicatrise et évolue. L'avantage avec une coupure pareille au bistouri, c'est qu'elle est tellement nette qu'elle ne fait pas mal. De plus, j'essaie de relativiser en me disant que ça aurait pu être bien pire. A 10 cm près, c'était ma plante de pied qui se faisait trancher ainsi que tous les tendons qui passent par là.

Cet après-midi, je retourne à l'hôpital pour mon premier curetage. Je tente le coup à vélo et ça se passe bien en pédalant avec le talon. Heureusement que je n'en ai que pour 10 minutes car la pression exercée réveille tout de même la douleur. L'observation de l'infirmière est rassurante: la blessure est belle, pas d'infection. Parfait! Continuer à bien prendre les antibiotiques et venir changer le pansement.



Voilà, le moral va beaucoup mieux maintenant. La cicatrisation a l'air d'être en bonne voie et j'ai réussi à me résigner à abandonner les plans que j'avais. Je vais voir au jour le jour comment les choses évoluent et j'aviserai en temps voulu pour la suite du voyage. Plongée, vélo, on verra ce que je peux faire et quand. En attendant, je prends mon mal en patience, encore du repos forcé. Je vais en profiter pour coder, tiens!

vendredi 26 octobre 2012


Thaïlande - Changement de monde

Le choc! Arriver à l'aéroport de Bangkok (quel merveilleux nom) en venant de Kathmandu, c'est le choc. Pourquoi? Tout simplement parce que ça sent le propre. Non pas le détergent ou le savon. Non, juste le propre. Je ne pense pas que cela m'aurait autant frappé si j'étais arrivé d'ailleurs, mais mes trois semaines au Népal ont complètement anéanti et remis à zéro tous mes capteurs d'hygiène, et la première bouffée d'air inspirée dans le terminal me ravit. J'avais oublié comment c'était. C'est fou, les capacités d'adaptation du corps humain. Le sol brille, les toilettes blinquent. On mangerait à terre.

Passage au contrôle des passeports pour l'obtention de mon permis de séjour de 30 jours. En tant que Belge, j'y ai théoriquement droit sur simple présentation d'un billet de retour que je n'ai bien entendu pas. J'ai donc prévu le coup en imprimant une pré-réservation de train vers le Laos pour "prouver" que j'ai bien l'intention de quitter le pays, mais l'officier ne me pose aucune question, le passeport européen fait visiblement office de passe-partout. Parfait! Bienvenue en Thaïlande.

Je sors de l'aéroport et là, deuxième claque: la température et l'humidité. Non seulement il fait très chaud, mais l'atmosphère est complètement détrempée. On est en fin de mousson et les cultures sont toujours inondées. Je prends un taxi qui m'amène à l'hôtel où la chambre qui m'accueille est super propre mais surtout une étuve. Je suis trempé, je goutte, mais ça ne m'empêche pas de m'endormir tellement je suis claqué. Les draps sont blancs et propres. Que c'est bon.

Demain, je reprends l'avion vers les îles. J'ai en effet décidé avant mon départ du Népal de changer en dernière minute la suite de mes plans qui étaient de partir directement de Bangkok à vélo vers les montagnes du nord pour rejoindre le Laos. Mais durant les derniers jours à Kathmandu, j'ai attrapé un gros cathar qui m'a bien affaibli et après ces 12 jours de trek enchaînés sur mes 3 mois à vélo, j'ai besoin de repos et de me retaper avant de reprendre la route sur ma bicyclette. J'aimerais pouvoir continuer mon aventure, mais il est indispensable que je me refasse une santé avant d'aller plus loin. Décision difficile mais nécessaire. Je vais donc aller me la couler douce dans les îles pendant 5 jours, à Koh Samui que j'ai choisie sur les conseils avisés de ma consultante en Thaïlande attitrée.

Koh Samui

Départ donc pour Koh Samui. Je récupère mon vélo à la consigne de l'aéroport où je l'ai laissé hier pour la modique somme de 100 baht (2,5 euros). J'ai cru que j'avais mal lu. Ensuite, je dois à nouveau peser mon vélo, mais cette fois, aux tarifs thaïs, je m'en sors avec 27 euros. Ca, c'est bien!

L'aéroport de Koh Samui ne compte pas de bâtiment, juste quelques pagodes. Super mignon et très peinard. Je me rends à Fishermen Village sur Bophut Beach où je vais séjourner quelque temps. Mon hôtel est petit, sympa, joli, propre et retiré. Ici, les gros mois pluvieux sont octobre et novembre. Je suis en plein dedans. Le ciel est très chargé, il douche pas mal, ce qui implique qu'il y a très peu de touristes. Les restos et bars sont presque vides. Je voulais de la tranquillité, je l'ai et la pluie me dissuade d'en faire trop. Repos forcé. Sous une température constante avoisinant les 30 °C, ça reste agréable même lorsqu'il drache. Mais j'espère tout de même que le temps va parfois un peu s'éclaircir afin de me permettre de profiter des lieux et des couleurs idylliques, qui pour le moment sont plutôt tristounettes. Me voilà assigné à résidence.




Après deux longues journées d'inactivité imposées par la pluie presque incessante et qui feraient pâlir d'envie un chômeur longue durée, le soleil et le ciel se montrent enfin. Ca fait du bien car, bien que ce soit ce dont j'avais besoin pour récupérer, l'inactivité commençait à me miner. Rester seul cloîtré à ne rien pouvoir faire, c'est dur. Au moins maintenant je vais pouvoir faire un tour dans les environs et voir ces paysages sous les couleurs qu'on en attend. Le moment est donc venu de sortir mon vélo de sa caisse et de le remettre en état. Ton hibernation a pris fin, mon coco.

Je pars ainsi faire un tour pépère le long des plages avoisinantes. Je suis le seul à vélo, tout le monde roule à scooter ici. Sur le chemin, je m'arrête à un endroit de culte où trône en hauteur un immense Bouddha doré. C'est comique et carrément kitsch. On dirait un jouet, d'autant plus qu'il arbore un petit sourire un peu béat, un peu à la Playmobil. 





Plus tard, j'arrive sur la plage réputée la plus belle de l'île. Pas de doute, le soleil est bien là et éclaire la mer de ses rayons, faisant ressortir les tons turquoise et émeraude de l'eau. Avec le sable blanc, c'est superbe. C'est la première fois que je vois des paysages pareils. Malheureusement, qui dit plus belle plage, dit plus touristique. Je me rends compte que j'ai en effet bien choisi sans le savoir mon petit village retiré car ici dès qu'on s'éloigne de la plage, ce n'est que clubs de vacances, hôtels et restos "Hier sprechen wir Deutsch!" Assez peu pittoresque. D'ailleurs, heureusement que c'est la basse saison car j'imagine l'horreur que doit être cette magnifique plage recouverte de gens qui font la crêpe. Il y a donc actuellement très peu de monde mais je suis toutefois étonné de voir le nombre d'Occidentaux. Vraiment beaucoup.




Après avoir avalé de délicieuses nouilles aux fruits de mer, je me laisse tenter par un fameux massage thaï. Plusieurs petits huttes sont installées directement sur la plage et de jolies poupées souriantes alpaguent le chaland en criant "Thaï massaaaaaaage?" Je ne sais pas du tout à quoi m'attendre mais la réputation qu'ils ont est suffisante pour titiller ma curiosité et je me lance. 

"You not sleep? You not cool?" Euh... Je crois que si, mais là, tu es en train de me marcher dessus, ma jolie. Et ainsi, la demoiselle, au passage très mignonne, se promène sur moi des pieds aux épaules. C'est étrangement à la fois un peu douloureux et détendant. Très agréable. Elle me fait également craquer les vertèbres, le bassin, les orteils, les mains et les doigts. Elle me retourne dans tous les sens comme un pantin et crac! Mais le meilleur reste à venir. Enfin quelqu'un capable de masser suffisamment fort mes jambes pour que je le sente. Quelle force dans les mains! Elle triture mes cuisses et mes mollets avec une aisance remarquable. Gros muscles ou pas, rien ne lui résiste. Ca fait même parfois mal, mais elle s'arrête à la limite où la douleur est supportable. Tiens, un coup de poing dans la cuisse, une claque sur les oreilles et une fessée. C'est très surprenant et à chaque fois qu'elle fait un truc de ce genre, j'ai envie de rire mais j'en sens immédiatement le bénéfice. La séance dure pas moins d'une heure et j'en sors complètement détendu et relâché. Mieux que l'ostéo! Une vraie pro! Et je pense qu'elle doit avoir d'autres champs d'activité un peu plus sensuels auxquels elle a tenté de me joindre. Mais bien entendu, je n'ai pas saisi où elle voulait en venir, répondant naïvement à ses questions qui tournaient autour des jolies filles comme elle et ainsi de suite. Pas facile de garder les idées claires quand une poupée te fixe avec insistance dans les yeux tout en te tordant la cheville. Ce n'est que quand j'ai cru comprendre et qu'elle a vu l'illumination dans mes yeux qu'elle a bien capté que je débarquais de ma planète. Elle a eu un geste et un regard qui voulaient dire: "C'est pas grave, laisse tomber."  Du côté du gars qui se faisait masser juste à côté de moi, ça causait plutôt ladyboy, c'est ce qui m'a mis sur la voie. Pépé subtilité.






Ce soir, c'est marché dans ma rue et c'est avec joie que je constate qu'il y a plein de Thaïs qui l'arpentent. Ce n'est donc pas juste un truc à touristes. Je me jette dans la foule où je suis très vite attiré par les stands bouffe. Je n'ai pas encore faim mais ce festival d'odeurs et de couleurs est un régal pour les yeux et les narines et a vite fait de me mettre l'eau à la bouche. Dans mon esprit, les choses sont claires: essayer le plus de trucs improbables possible. J'achète pas moins de quatre mets différents sans avoir le moindre soupçon d'idée si c'est une pâtisserie, une confiserie ou un plat. Je suis comblé. L'aventure culinaire commence et j'attaque mes trésors. Au goût, à part les gâteaux de poisson au curry, il m'est toujours impossible de deviner ce que je mâche. Il y a des trucs qui ressemblent à des patates (mais si ça tombe, ce sont des fruits) avec du sucre et des graines jaunes. Un autre a l'air d'être de la banane avec de la noix de coco. Et le dernier truc, que j'ai réussi à me faire expliquer à l'hôtel, est de la gélatine de riz avec de la coco et du maïs. Tous ces mets sont très différents les uns des autres tout en ayant un point commun: ils sont succulents. Et les friandises sucrées ne sont même pas écœurantes. Je suis complètement repu et heureux de ces découvertes. Et j'en connais une qui doit baver en lisant tout ça...



lundi 22 octobre 2012


Népal - Retour dans la fourmilière

La journée de repos à Pokhara est dignement honorée et placée sous le signe de la glande. On n'en fout pas une. On avait initialement pensé aller se promener le long du lac, mais le temps brumeux qui nous cache l'Himalaya nous en dissuade et nous offre l'excellent prétexte dont on avait besoin pour faire les larves. Ceci dit, en fin d'après-midi, rassemblant tous nos efforts de volonté, on part se réhydrater dans un troquet qui offre une happy hour de 15 à 19h. Il ne faut tout de même pas oublier de faire attention à soi. Après ça, petit resto indien délicieux puis au dodo. Journée bouclée.

Le lendemain, on repart vers Kathmandu. Même avion, mêmes pilotes, même hôtesse que lors du vol qui nous a amenés ici, mais cette fois les 20 places du coucou sont occupées. Je ressens une pointe de tristesse car maintenant le trek est bel et bien terminé, retour à la ville, son brouhaha et sa pollution. Et ils ne se font pas attendre.


A peine sortis de l'aéroport dans un taxi dont on se demande comment il peut rouler tellement il est délabré, la foire est au rendez-vous. Si je trouvais comique cette circulation chaotique et improbable à mon arrivée au Népal il y a deux semaines, elle l'est toujours car ce rallye généralisé reste avant tout zen. Mais au retour de 12 jours en montagne, après cette cure de bon air vivifiant, la pollution qui nous assaille et nous prend à la gorge est insupportable. Ca pue, mais ça pue! J'ai l'impression que le pot d'échappement de notre caisse donne juste sous mon nez. Mais non, c'est juste l'air ambiant. En plus, ça refoule vachement l'essence dans la voiture. Il nous faut peut-être une demi-heure d'embouteillages pour rejoindre notre hôtel dans le quartier de Thamel et ça nous met KO. On tousse tellement on a respiré de la poussière et de la crasse. Il était temps qu'on arrive car on en a des nausées. Father m'avait prévenu que le retour à Kathmandu après un trek était difficile. Non, c'est un supplice! Et tous ces locaux affublés d'un masque en sont la parfaite illustration.

Retour donc à l'hôtel de notre début de séjour où je pars illico constater que mon vélo est toujours bien là. Il a gentiment séjourné pendant les deux dernières semaines dans la pièce qui sert de salle-à-manger. Et la bâche noire qui l'entoure est maintenant d'une teinte brunâtre, couverte d'une belle couche de poussière... C'est notre hôtel, avec ses interrupteurs qui ne fonctionnent pas, ses coupures de courant, ses murs infiltrés, son eau courante qu'on ne risque pas de boire par mégarde tellement elle sent mauvais (même désinfectée, on ne pourrait pas), son pot qui coule, sa douche au-dessus d'une bouche d’égout et qui arrose toute la toilette, la clé de notre chambre qui casse comme de la plasticine dans la serrure, ses étincelles dès qu'on branche quelque chose dans la prise. Quoi qu'il en soit, on est en terrain connu. Radicalement népalais.


Après avoir repris nos esprits et notre souffle, nous partons soigner nos gosiers asséchés par la crasse à coups de Gorkha, notre bière népalaise préférée. Le traitement est radical et on se sent tout de suite beaucoup mieux. Nous allons ensuite rendre visite à un barbier de rue. Le gars installe ses clients sur un vieux morceau de carton posé sur une marche et ses prouesses font le reste. Father avait déjà eu affaire à ses services lors de son premier voyage ici il y a 15 ans. C'est un réel orfèvre et rien que pour le folklore, je me laisse raser de près comme cela ne m'est plus arrivé depuis des années.



Suite à ça, on erre sans but et nos pas nous mènent sur les bords d'un carrefour très fréquenté. C'est l'heure de pointe et le trafic est absolument démentiel. Trois policiers règlent visiblement la circulation, même si ça n'en a pas fort l'air. Quoi qu'il en soit, l'endroit est idéal pour prendre des photos et on ne s'en prive pas. Jusqu'à l'arrivée d'un militaire qui nous demande de le suivre car son supérieur, posté de l'autre côté du carrefour, veut nous parler. Bon... C'est le genre de trucs qui ne met pas très à l'aise quand on est à l'étranger. Décontenancés, on suit le type qui traverse le carrefour en oubliant totalement le danger auquel on s'expose. C'est là qu'un cyclone de motos et de véhicules en tout genre nous passe juste devant le nez. On a juste le réflexe de s'arrêter pour réaliser qu'on est en plein milieu du carrefour à côté des flics qui se marrent en nous voyant perdus: "Different rules here!" Ah bon? On arrive tant bien que mal de l'autre côté où le supérieur nous attend pour nous montrer derrière lui de petits panneaux invisibles d'où on était et qui indiquent que les photos sont interdites. Mais il n'y a pas de problème, juste une procédure à suivre, veuillez nous suivre. Et on nous conduit dans une petite pièce d'interrogatoire. OK... Ils ont beau avoir tous la banane et être bien aimables, on commence sérieusement à se poser des questions et on se demande ce qui nous arrive. Ces messieurs nous expliquent alors que nous sommes dans une espèce de club dépendant de l'ambassade américaine et que les photos telles qu'on les a prises (de loin et sur lesquelles on peut fugacement apercevoir un mètre de mur entre deux bagnoles après avoir zoomé trois fois) sont interdites. Tout s'explique, on est à Paranoïa Land, chez les bons Américains. A partir de ce moment, le plus dur est de ne pas éclater de rire car il vont remplir une procédure tout ce qu'il y a d'absurde. Ca me rappelle mon arrivée à Anchorage et la désinfection de mon vélo. En effet, les préposés nous photographient et prennent également une photo de nos passeports et visas, de nos appareils photo, et même des photos apparaissant sur l'écran de nos appareils photo. Ensuite, ils nous posent toute une série de questions plus débiles les unes que les autres auxquelles ils portent très peu d'intérêt, notant sans réfléchir ce qu'on leur dit. Je suis d'ailleurs très vague dans mes réponses, répondant parfois quelque chose de totalement improvisé. Ils nous auraient demandé notre couleur préférée que ça n'aurait pas dénoté dans le tas. Et ils terminent bien sûr par effacer nos photos. Voilà Messieurs, merci beaucoup, désolé et au revoir. On sort de là et on se regarde, ne comprenant toujours pas ce qui nous est arrivé. M'enfin, les gens...

On continue notre balade en passant sous de hauts arbres qui abritent une multitude d'énormes chauves-souris d'au moins 30 cm de long. Le soleil va se coucher et elles commencent à s'agiter, déployant leurs immenses ailes en s'étirant.



Le soir, on goûte une boisson tibétaine, la tongba, eau chaude versée sur des graines de millet fermentées. C'est de la gnôle, en fait. Assez léger et très bon.

Kirtipur

Petite journée à Kirtipur, dans la banlieue de Kathmandu. Il y a très peu de touristes ici et c'est très calmement qu'on parcourt les rues et les endroits de culte de la ville. C'est là qu'un jeune gars vient près de moi me demander respectueusement s'il peut toucher mes cheveux. Ca m'était déjà arrivé pendant le trek en traversant un village. Il faut dire que les longs poils blonds bouclés sont plutôt rares dans le coin. En tout cas, c'est très comique et encore plus de voir leur air ébahi quand ils les touchent. Ca me rappelle un autre moment du trek où j'étais sorti de la douche à torse nu devant deux mecs qui m'avaient presque félicité en lorgnant ma toison capillaire. Autant je passais inaperçu parmi les ours, ici c'est raté.








Patan

La journée suivante, on la passe entièrement dans l'ancienne cité royale de Patan. C'est superbe et l'ambiance est très relax malgré le flot de touristes. En effet, les gens qui nous proposent leurs services de guide et qui essayent de nous vendre leur camelote ne sont pas du tout intrusifs ni insistants. C'est très agréable et permet même d'engager la conversation, notamment avec un groupe de filles superbes et très drôles qui ont essayé de nous vendre leurs brols avec beaucoup d'humour. J'ai pris plaisir à faire trainer les choses histoire de profiter de leur agréable et charmante compagnie, même si elles savaient depuis le début que je n'achèterais rien. Et elles ont joué le jeu en se marrant. Un bon moment.


  










Voilà, le jour du départ est arrivé. C'est ce matin que je quitte le Népal pour m'envoler vers la Thaïlande tandis que mon père retourne en Belgique. Mon vol étant le matin et le sien le soir, il m'accompagne à l'aéroport puis retournera passer la journée à Kathmandu. Malheureusement, la sécurité ne le laisse pas entrer car l'accès est seulement autorisé aux passagers. On se dit donc au revoir sur le pas de la porte sous l’œil scrutateur du garde. Je ne sais pas trop à quoi ça sert, d'autant plus qu'il est assez visible qu'on n'est pas du coin, mais au moins ça évite les au revoir prolongés et difficiles. En tout cas, ce séjour de trois semaines à deux a été superbe, rempli de rires, de complicité et de belles découvertes. Une réussite totale. A bientôt Ne!

J'entre donc seul dans l'aéroport où je suis accueilli par des agents de sécurité souriants mais surtout pas du tout habitués à ce qu'un type débarque avec un vélo. Ca les amuse et ils m'aident à le transporter. Mais au guichet d'embarquement, ça devient moins drôle quand le préposé me demande de poser mon vélo sur la balance, ce qui ne m'arrange pas du tout. Premièrement, on dirait une balance de boucher amochée dont le plateau fait moins d'un mètre de côté et dont je doute fort de la précision scientifique. Vas-y mettre un vélo là-dessus, mais je les laisse faire et ils y arrivent tant bien que mal en le tenant à trois à la verticale. Et deuxièmement, je sais que mon vélo est lourd. Généralement, la compagnie applique un tarif forfaitaire pour les bagages hors normes, qui est toujours bien à mon avantage, surtout quand on ne me le fait pas payer. Mais ici, inutile d'invoquer cela car une fois qu'on a affaire aux officiels, fini le marchandage, ça ne rigole plus. Et donc, ce brave bonhomme me fait payer les kilos excédentaires, vélo et sacs compris. Verdict: 17 kg en trop. A 10 euros du kilo, ça me fait un joli petit cadeau d'adieu au Népal. Disons que ça compense les fois où mon vélo voyage gratos, mais ils ont intérêt à me le chouchouter à ce prix-là, sinon ça va rugir.

Ensuite, c'est très paradoxal car je passe par trois ou quatre fouilles répétitives mais surtout très superficielles. A se demander à quoi ça sert, si ce n'est à leur donner l'illusion qu'ils font leur boulot, à les occuper ou peut-être à dissuader les malveillants. Mais bon, quand on voit le niveau de sécurité du reste, ça fait un peu rigoler et devient vite chiant vu leur inutilité. On a même droit à se faire encore tripoter et fouiller à l'entrée de l'avion, mais je passe plus ou moins entre les mailles du filet lorsque le gars voit mon casque de vélo accroché à mon sac. "Ah c'est vous le cycliste. Votre vélo a bien été chargé dans l'avion, Monsieur. Bonne chance pour la suite!" Et j'évite de devoir tout déballer. Ah, ces Népalais et leur amabilité. Si ce n'est la crasse, l'insalubrité et la pollution que je suis franchement content de quitter, absolument tout le reste vaut largement le coup de venir et revenir visiter ce merveilleux pays. Bye bye Népal, direction Thaïlande pour la suite de l'aventure dans l'inconnu.