dimanche 16 décembre 2012


Laos - Des 4000 îles au plateau des Bolovens

Objectif du jour: Stung Treng
Je continue mon petit bonhomme de chemin vers le Laos pendant trois jours durant lesquels je m'enfile une étape de 150 km. 10h30 de route dont 8h20 à pédaler. Sachant à quoi m'attendre car j'avais lu le récit d'autres cyclistes qui l'avaient déjà faite, je m'étais bien préparé mentalement à l'épreuve et avais essayé de mettre toutes les chances de mon côté en me reposant bien la veille, c'est-à-dire en ne pédalant que deux heures le matin et en passant tout mon après-midi dans ma chambre. Je suis donc parti au lever du soleil après avoir acheté au marché plusieurs trucs à grignoter ainsi que beaucoup d'eau. Et faire ça sous 35 à 40 °C, ça ne facilite pas les choses. De plus, le temps m'était compté car les journées sont plutôt courtes, mais je m'étais tellement bien motivé que j'ai rempli le contrat en arrivant à destination juste au coucher du soleil. C'est parfait. Une bonne petite journée de boulot.

Le lendemain de cette étape, il est prévu que je passe la frontière laotienne. Et bien entendu, les efforts de la veille se font ressentir et c'est dur, d'autant plus que j'ai tout de même 90 km à faire. La route est toujours aussi sympathique bien que je me sois éloigné du Mékong et ne le longe plus à proprement parler. Mais la région, très sauvage, offre des paysages de forêts qui sont un ravissement pour mon œil en comparaison à la platitude monotone à laquelle il avait dû se résigner avant de parcourir cette région. Je commence même à voir des collines. J'avais presque oublié comment c'était. C'est là que je croise coup sur coup trois groupes de cyclistes alors que je n'en ai pas encore vu dans ce pays. C'est marrant. Il y a un couple d'Anglais, un Japonais et un couple de retraités hollandais. Ca me fait du bien de papoter un brin avec eux. Une belle illustration de la relativité des choses est qu'ils me disent tous détester cette route chiante et monotone alors que je l'apprécie vraiment. Ils viennent du nord montagneux et se dirigent vers les plaines alors que c'est l'inverse pour moi. Et ça fait toute la différence. Sans vouloir trop jouer à l'oiseau de mauvais augure, je les préviens tout de même que s'ils trouvent la route emmerdante à ce niveau-ci, il ne sont pas au bout de leurs peines car cela ne va pas aller en s'améliorant. Par contre pour moi, ça a l'air tout bon!


J'arrive enfin à la frontière après pas loin de 400 km en quatre jours. Mission accomplie. Ce fut difficile mais à la foi très gratifiant et à ce stade, le besoin de repos commence à bien se faire sentir. Courage, il m'en reste 20 à avaler, mais surtout et avant tout le passage de frontière avec son cirque de corruption habituel. C'est lourd. D'autant plus que le gars se la joue non pas "Veuillez payer ceci et cela, monsieur. Bienvenue chez nous et merci de venir dépenser votre argent ici." mais plutôt en tirant la gueule d'un air tout-puissant qui exprime son généreux consentement à me laisser pénétrer dans son pays. N'ayant pas envie de me battre seul contre une montagne, je fais profil bas afin d'écourter au plus ce moment désagréable, d'éviter les emmerdes et de perdre du temps, ce qui fait bien entendu partie de leur cinéma pour te faire plier à cracher les "pourboires" sans la ramener. Puis, je remonte en vitesse sur mon vélo, le plaisir d'entrer au Laos quelque peu gâché par cet abruti. Allez, vite me barrer d'ici et pédaler pour faire sortir tout ça!

J'arrive enfin à un petit port sur le bord du Mékong où je prends un ferry, ou plutôt une espèce de pirogue à moteur, afin de me rendre sur Don Det, une île faisant partie du site nommé les 4000 îles. Le fleuve se sépare en effet à cet endroit-ci en de multiples bras qui forment des milliers d'îles, la plupart minuscules et d'autres habitées. Don Det fait partie de ces dernières et est réputée pour être la plus baroudeur, d'où mon choix. Elle a aussi la réputation d'être la plus fête, mais je constate avec plaisir que malgré l'aménagement très touristique sous forme de bungalows qui s'enchaînent sur la côte, la fréquentation est très faible. Il n'y a pas grand monde et c'est super calme. Je suis bien tombé. Ceci dit, on constate aisément à certains chantiers que le tourisme de destruction massive est en train de se développer de manière assez fulgurante et je ne donne pas cher de l'aspect pittoresque et idyllique de l'île dans quelques années. En attendant, j'y suis bien et après avoir établi mon camp de base dans un bungalow, je vais admirer le splendide coucher de soleil en compagnie d'une grande bouteille de Beerlao qui, suite à ces derniers jours éprouvants, me met la tronche à l'envers en deux temps trois mouvements. Je suis déglingué. Et tellement content d'être ici.









Le lendemain, après avoir passé toute la matinée dans mon pieu, je me prépare pour aller me balader à vélo autour de l'île ainsi que sur sa voisine à laquelle elle est reliée par un petit pont, Don Khon. Mais les dieux du vélo en décideront autrement. Au moment de partir, je constate que j'ai un pneu plat, crevé par une grosse punaise. Je répare et les efforts auront été suffisants pour la journée car je me sens complètement vidé. Il faut définitivement que je ne foute rien à par me reposer aujourd'hui et ce signe des dieux est éloquent. "Tu ne pédaleras point aujourd'hui. Dans un hamac ton cul tu poseras et une Beerlao tu siroteras." Je m'incline. Faut pas déconner avec ça. Journée glandouille et c'est exactement ce qu'il me fallait. 

Le jour suivant, je me sens déjà bien plus requinqué, il est tôt et je pars pour l'excursion agréablement manquée d'hier sur Don Khon. Un des attraits de ces îles est également leurs chutes d'eaux et c'est là que je me dirige en premier lieu. Le Mékong, sur ce passage, est encombré de rochers, ce qui crée ces chutes. C'est très joli et étendu sur toute la largeur du fleuve. 




Ensuite, après avoir englouti un délicieux jus de canne à sucre pressé en direct, je reprends ma route vers le sud de l'île où le Mékong redevient très plat et calme tel un lac. L'endroit est habité par 9 dauphins d'eau douce, espèce en voie de disparition il va sans dire. Des bateliers proposent des balades d'une heure afin de les approcher et, avec de la chance, de les voir. La vue surplombant le fleuve est déjà très belle et je scrute les flots en espérant les apercevoir. Je ne suis pas tenté par la balade en bateau seul, mais je vois une autre personne seule en train de revêtir son gilet de sauvetage. Je m'approche d'elle et lui propose de partager l'excursion et les frais avec moi. Marché conclu, nous voilà partis pour une chouette et jolie balade entre les îlots durant laquelle on a la chance de voir à quelque deux ou trois cents mètres plusieurs dauphins. Très sympa. Par contre, il est 12h30, et à cette heure-là en plein milieu de la flotte, je me sens cuire comme si j'étais assis sur une grille de barbecue.




Ravi de ma visite de Don Khon, je remonte maintenant sur ma bécane et retourne sur mes pas jusque Don Det. Pour le reste de la journée, j'ai l'intention de reprendre ma route vers le nord, mais gentiment et en passant d'île en île plutôt qu'en retournant prendre la route. J'avise un petit bac composé de deux pirogues maintenues ensemble par des planches sur lesquelles on peut se tenir debout. Aucun problème donc pour y mettre mon vélo. Je traverse ainsi les 200 m de bras de fleuve qui me séparent de Don Som sur laquelle je prends pied quelques minutes plus tard. Ce mode de transport entre îles est super sympa et exotique. J'adore.

Ici, fini le tourisme. Rien, que des petits villages. Il n'y a même pas de chemin, rien qu'un petit sentier. C'est génial. C'est ce que j'appelle une vraie traversée d'île, au milieu des buffles qui trempent dans les marais, des fermiers dans leurs champs et des enfants qui me saluent. C'est tellement retiré de tout que j'arrive à me paumer plusieurs fois, mais après une heure et demie de pur plaisir, j'arrive à l'autre bout de l'île pour prendre un autre bac qui me dépose cette fois sur Don Khong. C'est la plus grosse île et également la plus développée. Mon passage ici ne sera que pour la nuit. Après les îles que j'ai traversées aujourd'hui, je pense avoir vu ce qu'il y avait de plus pittoresque et celle-ci ne m'intéresse pas. Demain à la première heure, je saute sur le ferry qui me ramènera sur le continent. Ces deux jours plus relax dans les îles m'ont bien retapé et je peux reprendre ma route. C'était très beau et très serein. 




C'est par où?

A présent, je me dirige vers les plateau des Bolovens, réputé pour ses chutes d'eau, ses plantations de café et son climat plus frais. Enfin du vrai relief et un peu d'ascension. Bon... Quand je dis un peu d'ascension, il est tout de même situé à une altitude de 1300 m que je vais devoir grimper d'une traite, et sous ce climat, ça ne risque pas d'être de la tarte. C'est au pied de la côte que je rencontre deux cyclistes américains, Brandon et Foosie, qui ont plus ou moins suivi la même route que moi depuis Bangkok. On papote un peu, puis on reprend la route, on a du boulot qui nous attend. Et j'en chie pas mal. Le gros handicap pour moi, c'est que j'ai déjà 45 km dans les pattes au début de la côte. Heureusement que le gradient est faible, mais du coup, c'est vachement long et il me faut 5 h pour arriver en haut à Paksong où je retrouve les deux Américains. Je suis fourbu, content d'y être arrivé et j'ai la dalle. On part donc manger ensemble, ce qui nous permet de faire plus ample connaissance. Que c'est bon de parler à des gens! Je me rends compte à quel point j'ai été seul ces dernières semaines car je ne peux pas m'arrêter de parler et ça me fait un bien fou. En fait, c'est ma première réelle compagnie depuis Max à Bangkok. On mange, on rit, on se raconte nos aventures et le courant passe immédiatement super bien. Brandon est un cycliste acharné et a déjà parcouru l'Italie à vélo, alors que c'est le premier voyage de ce type pour Foosie. Je leur raconte mon précédent voyage en Amérique du Nord car Brandon est un fan des régions que j'ai traversées et aimerait beaucoup faire la même chose. Leur expérience du Cambodge est très similaire à la mienne pour ce qui est des difficultés et désillusions à vélo et ils ont également décidé d'abréger leur séjour dans ce pays. Autre point qui nous rapproche, Brandon adore la Chimay. Venir au Laos et rencontrer un gars du Kentucky dont la bière préférée est la Chimay et qui a une bonne connaissance des trappistes, c'est pas beau ça?


Le climat ici est en effet bien plus frais que dans les terres tropicales et humides du bas que je viens de quitter. Je dois même mettre mon pull en soirée. Ca fait du bien après toutes ces nuits à 30 °C, obligé de brancher le ventilateur pour ne pas se retrouver trempé en cinq minutes. Ca change. C'est chouette. Le lendemain, c'est le jour de récompense après l'ascension. En effet, l'étape est presque continuellement en descente légère sur 60 km. Vu que mes deux nouveaux compagnons suivent la même route que moi, on fait l'étape ensemble. C'est super agréable et magnifique.






On arrive ainsi en soirée aux chutes d'eau de Tad Lo autour desquelles un petit village paisible accueille les quelques touristes qui s'aventurent ici. C'est splendide. Une vraie oasis de fraîcheur. Mes deux potes ont l'intention de rester ici la journée de demain pour profiter des lieux et aller se promener dans les environs. Ils m'incitent à faire la même chose et je saute sur l'occasion, bien trop heureux de rester en leur compagnie pour explorer les environs. On s'est également assez vite découvert un autre point commun: la haine pour les chiens bêtes et méchants qui nous coursent quand on pédale. Ca nous fait bien rire et c'est la base de pas mal de blagues entre nous.



Enfant pêchant à la mouche
Durant cette journée sur place, on prend nos vélos pour monter tout en haut d'une cascade vertigineuse. Du moins, elle l'était avant que les gens ne dévient le cours de la rivière vers une centrale hydroélectrique et qu'elle se transforme en pipi d'oiseau. Ceci dit, le paysage reste magnifique à cette hauteur et on y prend bien notre temps.










Après cette journée, nous reprenons la route ensemble durant encore trois jours en remontant toujours vers le nord. Puis, vient le moment de la séparation. En effet, le temps est maintenant venu pour moi de prendre un bus pour Huê, au Vietnam, d'où je prendrai un train pour Da Nang et ensuite un avion pour Hô-Chi-Minh-Ville où j'accueillerai Poup dans trois jours. Ce sera alors le début de trois super semaines de vacances qui tombent à point nommé car une grosse pause s'impose après ces six mois de voyage intense. Je suis claqué et ai hâte de passer quelque temps en mode relax, sans vélo histoire de bien me retaper, et de plus en compagnie de ma super pote de toujours, Sophie, alias Poupée. Ca va être terrible!

Foosie et Brandon
En attendant, Foosie et Brandon, merci d'avoir partagé la route avec moi durant ces 6 jours. C'était génial, une très belle et inoubliable manière de terminer ce périple-ci. J'espère qu'on se reverra et je vous promets de manger du chien au Vietnam à votre santé. Leur blog est à cette adresse http://rackandtours.com et il y a un chouette commentaire sur notre rencontre. A plus, les amis!


4 commentaires:

  1. Super d'avoir enfin de tes nouvelles. Beerlao, Chimay, Duvel, Gorkha... quel voyage initiatique! Et ce n'est sûrement pas fini! Te voilà enfin au Vietnam où tu vas retrouver une compagnie amicale et féminine; de quoi mettre un peu de baume sur toutes les plaies et bosses que tu as collectionnées ces deux derniers mois; c'est ton Noël à toi. Profites-en bien. Jouez-la cool. Don't forget: bistare, Border! (ça parait déjà si loin!) Bisous de nous 4

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  2. Super heureuse de lire de tes bonnes nouvelles,tes kms avales sont extraordinaires,comme tous ces paysages magnifiques. Tu connais à présent le jus de la canne à sucre,autre chose que notre sucre de betteraves . Déjà 6 mois d'aventure,qui resteront gravés dans ta vie et tout ce qui t'attends encore! À l'heure ou je t'écris je pense que Sophie est arrivée. Gros bisous et bon Noël en Asie a vs 2!

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  3. Hello Papy !
    Content de voir que ça se passe bien pour toi et d'avoir un petit billet exotique à lire en prime.
    C'est assez impressionnant de voir ton parcourt sur Google Maps... T'as sacrément bien cravaché !
    Passes de bonnes vacances de Noël dans la moiteur vietnamienne !Et passe le bonjour à Sophie.

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  4. Salut ma poule. Joyeux Noël au Bout du monde !!!
    Profitez bien de ces vacances bien méritées.
    Gros Betch à vous deux.

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