vendredi 29 mai 2015

   
Allemagne / Danemark / Iles Féroé - L'Islande se rapproche

Après les Pays-Bas, je passe en Allemagne. Rien d'officiel n'indique que je passe la frontière si ce n'est le changement de langue sur le panneaux et l'état des pistes cyclables qui deviennent pour la plupart du temps inexistantes, et au mieux défoncées. Exactement comme chez nous. Avoir commencé son voyage par le paradis du vélo, c'est dur, ça fausse tous les standards pour la suite, et il me faut plusieurs jours pour me réhabituer à un environnement cycliste normal. Le paysage ici est beaucoup moins intéressant. Je ne fais que traverser des pâturages on ne peut plus plats remplis de vaches ou de moutons. Les énormes fermes se suivent et se ressemblent. C'est très monotone et j'ai constamment l'Islande en ligne de mire pour garder ma motivation.

Je fais un petit détour par Wacken, un bled au nord de Hambourg dans lequel se déroulera un festival de metal à la fin juillet, le Wacken Open Air. C'est là que je terminerai ce périple dans deux mois et demi afin d'y retrouver mes petits rockers préférés avec qui je passerai une semaine de fête et de musique. Quoi de meilleur pour clôturer ces trois mois de voyage!

Le temps se détériore de plus en plus et la température baisse sensiblement. Je termine généralement mes journées transi de froid et dans le besoin d'une bonne douche chaude pour me revigorer. C'est dans ces conditions que je passe la frontière danoise. Je suis ravi d'enchainer mon troisième pays mais les conditions météo m'empêchent d'en profiter pleinement. Il fait vraiment dégueulasse. Avec mon entrée au Danemark, fini la nourriture pas chère, les prix commencent à faire mal. Mais dans un autre sens, place aux campings pas beaucoup plus chers mais beaucoup mieux fournis. Ici, j'ai à chaque fois droit à une cuisine et une pièce commune, parfois un salon. Un peu plus de confort qui fait du bien par un temps pareil.

Le temps ne s'arrange pas et je me vois bloqué une journée entière sous la pluie dans un camping. C'est là que je bénis la salle confortable dans laquelle je peux passer tranquillement la journée. Avec ce contretemps, je me vois obligé de prendre une décision. En effet, il me reste exactement le nombre nécessaire de jours pour parcourir la distance qui me sépare du port de départ pour l'Islande. Je ne serais pas contre prendre un ou deux jours de plus pour arriver à destination, mais le problème est qu'il n'y a qu'un bateau par semaine en cette saison, le samedi. Et l'attendre pendant une semaine, non merci. Je décide donc de prendre un train pour rattraper cette journée et arriver en temps et en heure. Cela me permettra en même temps de fuir  ce temps maudit pour, je l'espère, des cieux plus cléments.

Le lendemain, j'embarque donc pour une centaine de kilomètres en train, et bien m'en a pris car l'expérience est très agréable. Non seulement tous les trains ici sont pourvus d'un compartiment pour vélos, rendant leur transport très aisé, mais je débarque un peu plus au nord dans un coin vallonné et bien plus beau, et également sous le soleil. J'aurai finalement évité une autre étape chiante et trempée.


Dernière journée de cette première partie du voyage qui a consisté à rallier le port d'Hirtshals, tout au nord du Danemark, à partir de chez moi. Je suis les panneaux indiquant une route cyclable le long de la côte afin d'éviter les gros axes désagréables. Il me mène à un moment directement sur la plage, avec le panneau suivant indiquant "à droite". Je vérifie mais ne trouve pas de chemin, si ce n'est la plage sur laquelle des voitures roulent. Ce serait ça? La marée est basse et le vent, fort, est de dos. Les conditions seraient donc idéales, si ce n'est mon chargement qui me fait hésiter: je vais m'enfoncer, ce sera impossible. Mais je suis très tenté d'essayer, ce serait génial si ça pouvait fonctionner. J'avance donc précautionneusement sur le sable durci et me lance. Le vent me pousse tellement bien que je parviens à ne m'enfoncer que très peu et je file. Par moments, c'est un peu plus galère lorsque le sable est trop mouillé et je dérape en manquant me planter, mais d'un point de vue général, c'est le pied et l'expérience vaut largement le coup. Cela fait carrément de cette journée la meilleure étape de ces trois semaines. Je parviens ainsi à parcourir 10 km avant de rejoindre la route avec les jambes en feu. J'aurais été plus vite sur route tout en me fatiguant moins, mais quel plaisir! Le couronnement de ces trois semaines.



1340 km après Bruxelles
Après ce joyeux épisode, le ciel se couvre méchamment et c'est finalement sous la pluie et le vent que je parcours les vingt derniers kilomètres pour arriver à ma destination finale, trempé et frigorifié. Cela fait 1340 km en tout depuis Bruxelles. J'y suis!

Je fais immédiatement connaissance au camping d'un autre cycliste en attente du même bateau que moi le lendemain. Le courant passe tout de suite et je décrouvre qu'on écoute la même musique. Il faut dire qu'arborer un bonnet à l'effigie d'un groupe, ça aide à situer. Oscar est Allemand et a même déjà vu un de mes anciens groupes en concert lorsque je n'en faisais plus partie. C'aurait été trop drôle qu'il me reconnaisse ici, dans un contexte qui n'a rien à voir. Voilà, j'ai de la compagnie pour cette traversée de trois jours, c'est parfait. La pluie ne fait qu'empirer et je me couche presque sous la tempête, pour me réveiller le lendemain, après une nuit pourrie et contre toute attente, sous un ciel parfaitement bleu.

J'embarque donc sur le bateau avec Oscar et nous y faisons la connaissance de deux autres personnes: Matthias, cycliste également, et Paula, qui va bosser 3 mois en Islande dans les parcs naturels.



La côte danoise qui s'éloigne.
Très vite, on trouve un terrain d'entente: boire des bières. On picole, on enquille les pils et on rit tout l'après-midi ainsi que la soirée. Cette traversée s'annonce sous de meilleurs auspices que prévu. Trois semaines sans rencontrer personne, ça commençait à faire long, et je m'en donne à coeur joie avec la bière féroïenne en compagnie de mes nouveaux potes. Je sens mes forces revenir au fil des canettes.


Les gens qui passent nous regardent en riant car on est assis dans un couloir à même la carpette, entourés de cadavres. Il faut dire qu'on dénote vachement dans le décor. Moi qui m'attendais à ce que ce bateau soit rempli de randonneurs ou d'aventuriers de tous types, je me suis bien trompé. Nous sommes en tout six cyclistes, une quinzaine de bikers, quelques 4x4 ou camions tout terrain et c'est tout. Cet immense bateau transporte non pas des tas de randonneurs avides de goûter aux forces sauvages et naturelles de ce joyau qu'est l'Islande, mais des hordes de vieux en voyage organisé qui vont certainement aller visiter deux ou trois pôles touristiques en une semaine et puis basta. Qu'il y en ait, d'accord. Mais il n'y a que ça. Une véritable croisière. J'imagine que c'est dû au fait que c'est la basse saison. Il fait encore trop froid pour les randonneurs (à part quelques dingues, évidemment) et vu que les sites touristiques standards sont déjà accessibles, c'est eux qui rappliquent en force. C'est étrange, ça tranche complètement avec ma vision et mon expérience du pays (ce sera ma troisième fois là-bas). Je crois que je ne m'y habituerai jamais car, en y réféchissant bien, je m'étais déjà fait la même réflexion lors d'autres traversées du même type, en Alaska ou en Norvège: c'est La croisière s'amuse.

En parlant de saison encore trop froide, j'apprends que l'hiver là-bas a pris son temps et n'est pas encore tout à fait terminé. Certaines routes que je comptais prendre dans le centre de l'île sont toujours enneigées. Je vais peut-être devoir revoir mon itinéraire en espérant que les choses se soient améliorées vers la mi-juin. Sinon, j'aviserai. Il y a tellement de choses à voir en Islande, ça ne me tracasse pas plus que ça. Je ne risque pas de m'embêter et j'ai tout mon temps avec plus de cinq semaines sur place. On verra bien.

Nous faisons escale pendant une demi-journée à Tórshavn, capitale des îles Féroé, archipel de rochers perdus en plein milieu de l'Atlantique Nord. Ca me fascine toujours autant de constater que des gens vivent ici, loin de tout, au milieu de rien, sur des cailloux et dans le froid la majeure partie de l'année.







On réembarque ensuite pour notre dernière nuit à bord du navire. Demain, le réveil se fera en vue de l'Islande. Ca fait trois semaines qu'elle se rapproche jour après jour. On y est presque!

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