lundi 21 avril 2014

  
Nevada / Californie - Le désert & Death Valley

Las Vegas


Jeudi 10 avril, 21h. J'atterris à Las Vegas. Ce sera d'ici que partira mon petit tour de l'Ouest Américain à vélo. J'ai déjà décidé de passer deux jours en ville, non pour m'envoyer des putes en essayant désespérément de devenir riche, non plus pour me marier avec Elvis, mais bien pour remonter mon vélo et préparer tout mon matériel, ainsi que faire les dernières courses dont j'ai besoin et me retaper du décalage horaire de 9h.

Il fait chaud, 30 °C. La ville me fait toujours le même effet que lors de ma première visite en 2008 et un mot me vient à l'esprit: pathétique. Je suis le premier à vouloir faire la fête, mais cet endroit ne me l'inspire pas du tout malgré sa solide réputation. Tout ce que je vois, ce sont des barakis à n'importe quelle heure du jour et de la nuit qui appuient sans cesse sur les touches des slot machines sans s'amuser le moins du monde. Ceci dit, les immenses hôtels casinos du centre sur le Strip valent le coup d'être vus, ne fût-ce que par curiosité. Et le haut lieu de la fête à outrance ce situe justement dans ces énormes casinos où l'amusement se paie à coup de grosses liasses de dollars. J'ai l'occasion d'ailleurs de parcourir le Strip en voiture avec Quincy, un serveur de mon hôtel avec qui j'ai sympathisé, et c'est bien sympa. C'est très comique de voir tout ça et on rit beaucoup. Mais on en a vite fait le tour et à part ça, Vegas, ce n'est pas pour moi. Il est temps que je me tire d'ici et que j'entame ce pour quoi je suis venu.



Seul dans le désert


Après deux jours d'acclimatation je décide donc de quitter la ville sur mon vélo. Je me sens encore tout déphasé et suis loin d'être en forme mais j'ai hâte de prendre mon envol. Au moins sortir de l'agglomération et puis on avisera. Quincy, s'est très gentiment proposé de garder le carton de transport de mon vélo pendant les prochains mois, ce qui me facilite grandement les choses pour les modalités du retour. Tout se met bien. Je lui dis au revoir et enfourche mon vélo, c'est parti pour une traversée du désert en direction de Death Valley. C'est par là que j'ai décidé de commencer mon périple afin de profiter des températures, certes chaudes, mais pas encore extrêmes. Mais le temps m'est compté, il ne s'agirait pas de trop traîner car les prévisions météo annoncent déjà qu'il y fera 38 °C les prochains jours. J'appréhende ces étapes désertiques car c'est tout nouveau pour moi et je sais que je ne pourrai pas me ravitailler en eau régulièrement aussi facilement que d'habitude.

Il me faut deux heures pour sortir de Las Vegas et me retrouver d'un coup, sans transition, en pleine nature aride. C'est une grand route avec pas mal de trafic, mais je retrouve avec plaisir les pistes cyclables américaines dignes de ce nom. Je m'arrête à la dernière station service pour remplir mes gourdes et piquer un petit somme à l'abri du soleil et du vent violent et chaud. Je reprends ensuite la route jusqu'au pied de ce qui m'a tout l'air d'être une belle côte. Il y a juste là un petit parking à côté duquel je ne mets pas longtemps à déceler l'endroit parfait pour ma première nuit dans le désert, à l'abri des regards derrière un buisson et dans un décor enchanteur. C'est parfait. Je n'ai pas beaucoup roulé aujourd'hui mais mon but qui était de sortir de la ville est atteint et j'ai du sommeil à rattraper. En attendant le soir pour pouvoir planter ma tente discrètement, je m'offre une séance photo botanique, car on est peut-être dans le désert mais c'est le printemps et les fleurs sont là.




Après une nuit enfin bien reposante de 10 heures, je continue ma route en attaquant l'ascension que j'avais laissée hier. Elle est ardue et me prend deux heures pour arriver au sommet. Là, je suis à cours d'eau mais je vois quelques maisons et entends des gens travailler. Je m'approche d'eux pour leur demander s'ils veulent bien remplir mes bouteilles. Ils m'invitent immédiatement à entrer. L'un d'eux est Belge, installé ici depuis plusieurs années et me révèle qu'il y a plein de nos compatriotes dans le coin. Ils sont tellement nombreux qu'ils ont créé un club pour se réunir. Et pour que faire? Boire des bières, bien entendu. Après avoir fait mon plein d'eau et m'avoir donné une boîte entière de barres de céréales, ils me donnent leurs coordonnées en me demandant de les prévenir sur mon chemin du retour. "On boira un coup!" Ahah! Vive nous!

Je descends ensuite le col de l'autre côté pour me retrouver en pleine étendue désertique à perte de vue. Dès que je bifurque pour prendre une route secondaire, plus personne. Je suis seul. Ca y est, je suis en plein dedans. J'adore.



En fin d'après-midi, peu de temps après avoir franchi la frontière californienne, ma chaîne décide de me lâcher en plein cagnard et casse . Ca ne m'était encore jamais arrivé, ça. Et en plein désert, en plus. Ceci dit, je m'y préparais un peu car lors du remontage de mon vélo, j'avais dû enlever la chaîne et la remettre, et j'avais un peu abîmé un maillon. Et c'est exactement là qu'elle a pété. Pas de grosse surprise, donc. C'est plutôt le contexte dans lequel ça arrive qui est un peu flippant. Je m'atèle donc sagement et calmement à la tâche, répare le bidule en enlevant les maillons foireux, et je peux repartir. Cette fois, il me semble que je m'y suis bien pris et n'ai visiblement rien abîmé. Je repars plutôt confiant. En tout cas, ça tient bon. Espérons que ça dure.


Je me trouve à nouveau pour la nuit un endroit de camping peinard. C'est assez facile, dans le désert. J'aperçois le prochain bled au loin à 5 km, ce qui veut dire que je peux vider toutes mes réserves d'eau ce soir. J'en profite donc pour en utiliser deux litres afin de me laver. La température de l'eau chauffée toute la journée au soleil est parfaite. Un vrai plaisir. Je n'ai toujours pas vu de serpent ni de scorpion mais je fais bien attention où je mets les pieds dès que je sors de la route, et pour la nuit, je rentre carrément mes chaussures dans la tente. Pas envie qu'un petit copain vienne élire domicile dans le fond d'une de mes godasses.

Le jour qui suit, je me sens vanné. Les 90 km d'hier en pleine chaleur laissent des traces. Je décide donc de prendre mon temps et de rejoindre le petit bled afin d'y passer la journée et de me retaper en vue du lendemain, qui sera la toute grosse étape attendue: la traversée de la Vallée de la Mort. J'ai tout intérêt à être en super forme pour celle-là. Je m'installe donc à Tecopa pour la journée. C'est typiquement le bled de désert avec des maisons en préfabriqué et personne à la ronde, un vrai village fantôme. Les sources d'eau chaude qui font la spécificité du coin justifient à elles seules quelques terrains de camping qui apportent un peu de vie aux lieux. Cependant, vu que la saison commence déjà à se réchauffer, il n'y a pratiquement plus aucun touriste. Je fais connaissance avec quelques résidents dont une dame âgée originaire d'ex-Yougoslavie, extrêmement généreuse, qui a décidé, et à raison, que je devais me nourrir convenablement pour ma grosse journée de demain. Elle m'invite ainsi à souper et m'offre une énorme assiette de poulet mariné accompagné de moult patates et légumes. Quand elle me demande si je pourrai tout manger et que je lui réponds que je n'ai pas le choix car je dois prendre des forces, la voilà qui m'en remet une couche et je me retrouve avec une assiette de 10 cm de haut. De quoi nourrir deux bons mangeurs. J'en engloutis bien entendu jusqu'à la dernière miette, d'autant plus que c'est délicieux. Comme dessert, elle m'épluche pas moins de trois petites oranges. "Tiens! Mange!" Elle me prépare ensuite une portions d'amandes, de cookies et de bonbons pour le lendemain. "Pour garder ta bouche humide dans la vallée." Quelle gentillesse! Le ventre plein à craquer, je rejoins ma tente où mes voisins m'attrapent pour une dernière bière. C'est fou la quantité de monde sympa que je rencontre. Ca n'arrête pas. Je me couche ensuite, un peu nerveux et excité en pensant aux 130 km sous près de 40 °C qui m'attendent le lendemain.

Death Valley National Park


Lever à 5h30 après une nuit pourrie. Moi qui voulais me reposer convenablement avant la grande épreuve, me voilà bien. J'hésite un instant à partir tellement je me sens encore crevé, mais je n'ai pas vraiment envie de glander une deuxième journée dans ce minuscule bled. J'ai prévu de déjeuner dans un restaurant à Shoshone, à 15 km d'ici. Allons-y toujours, on verra bien pour la suite. Dans le pire des cas, j'y resterai si je ne me sens toujours pas en forme. Me voilà donc parti à 7h. C'est marrant, il fait frais, moins de 20 °C. J'ai même quelques frissons dans une descente. Quand je pense à ce qui m'attend... 

La route est magnifique, traverse des étendues de sources chaudes et des paysages volcaniques. C'est très agréable de pédaler à cette heure, tranquille et calme. Jusqu'à ce que le vent se lève, d'un coup et fort. Et bien sûr, de face! Immédiatement, je sens les conséquence de ma mauvaise nuit: aucun jus dans les jambes. Il faut dire que je n'ai pas encore déjeuné, non plus. Ceci dit, ça me sape tout de même un peu le moral et je me vois difficilement attaquer mes 130 bornes dans ces conditions. Je ne peux m'empêcher de remettre en doute mes plans audacieux de la journée. 



J'arrive à Shoshone un peu avant 8h et me rends sans plus attendre au restaurant qui, avec un musée, une station essence et un motel, constitue le village. Pas vraiment de quoi s'y éclater. J'y commande une grosse omelette au bacon et fromage avec de l'avocat et des patates, le tout accompagné d'un demi-litre de lait. Du costaud. J'en sens immédiatement les bienfaits, reprends du poil de la bête et lorsque j'ai terminé mon festin et que j'inspecte le dessus des arbres pour apprécier l'évolution du vent, je constate qu'ils bougent moins. Réalité ou impression? Quoi qu'il en soit, c'est suffisant pour moi, ne me pose plus de questions, remplis toutes mes réserves d'eau (7 litres au total), m'enduis de crème solaire, un petit coup de vaseline sur les lèvres, et je reprends la route. C'est parti, la Vallée de la Mort, c'est pour aujourd'hui. Pas de retour en arrière.

Deux kilomètres après Shoshone, je bifurque sur la Badwater Road, route qui porte merveilleusement son nom et va me faire entrer dans le parc national, puis traverser tout le bassin de la vallée à son plus bas. D'emblée, ça grimpe. Je suis actuellement à 500 m d'altitude mais je dois d'abord monter à 1000 m avant de pouvoir descendre dans la vallée et me retrouver en-dessous du niveau de la mer. Le genre d'effort dont je me passerais sans problème. Un peu comme si on t'ajoutait une difficulté au cas où tu n'en chierais pas assez après. Histoire d'être sûr. Ca continue interminablement à monter et le soleil chauffe de plus en plus. Je fais beaucoup de pauses car je ne me sens toujours pas en super forme et prends garde à bien boire régulièrement, la déshydratation étant l'ennemi numéro un dans le coin. Boire sans cesse. Après deux heures et deux litres d'eau, j'arrive au sommet, heureux.


Une immense descente se profile à présent devant moi. La température monte perceptiblement au fur et à mesure que je m'enfonce dans la fournaise et le paysage s'assèche de plus en plus, le sable apparaît maintenant. Je m'arrête avant d'atteindre le fond de la marmite afin de prendre le temps de réaliser pleinement où je suis. Et j'en ai les larmes aux yeux. J'ai le sentiment à ce moment d'avoir accompli l'effort physique le plus difficile de la journée avec l'ascension que je viens d'encaisser et que le reste de l'étape, même si difficile a priori, devrait aller assez bien vu que je vais suivre le fond de la vallée. J'ai déjà 60 km au compteur et il m'en reste 70 à pédaler pour arriver au premier camping et ravitaillement en eau, mais ça ne me fait pas peur, persuadé que le plus dur est passé. Ô combien optimiste!



Passé cet instant émotion, je ne tarde pas à reprendre ma route, j'ai du pain sur la planche. Un couple de coyotes se promène tranquillement sur la route et vient mendier de la nourriture auprès des rares voitures qui passent et ralentissent pour jouer les curieux. Je m'arrête car je n'ai aucune idée de la façon dont ils se comporteront envers moi et je préfère m'assurer qu'ils n'ont pas l'intention de me courser pour goûter du mollet. Alors qu'ils retournent s'étendre à l'ombre précaire d'un buisson, j'en profite pour passer prudemment et surtout à toute vitesse devant eux mais ils ne daignent même pas m'adresser un regard. Rien à cirer de ma tronche. C'en est presque vexant.

Je continue à descendre et mon altimètre m'indique que je passe en-dessous du niveau de la mer. Je suis déjà à -20 m et le point le plus bas devrait se situer au niveau des -80 m, mais bien plus loin. Il fait torride: près de 40 °C avec seulement 1 % d'humidité dans l'air. Il ne fait pas étouffant car le vent reste relativement frais et rend l'air respirable. Pour moi qui supporte bien la chaleur, ça va donc assez bien. Et c'est ça le danger! Car il fait tellement sec qu'on ne se sent pas transpirer, aucune goutte de sueur sur la peau, alors que le soleil suce littéralement toute l'eau du corps. Dans ces conditions, les recommandations sont de boire 4 litres d'eau sur la journée tout en évitant toute activité en extérieur. Pas vraiment ce que j'ai prévu... Par contre, j'ai déjà englouti 3 litres depuis le début de la journée, il m'en reste encore 5 pour le reste de la route et j'ai bien l'intention de tout boire sans me laisser l'occasion d'avoir soif. De plus, je sais que si jamais je tombais à cours de flotte, je pourrais toujours en demander à quelqu'un en voiture. On reste donc positif.


Je prends bien garde à boire un coup toutes les 5 à 10 minutes et je dois m'arrêter à un moment pour pisser, ce qui est bon signe. L'inverse aurait été alarmant. Cependant, je sens venir après deux heures de route des nausées. Commence alors une longue et pénible épreuve. A chaque fois que je m'envoie une goulée d'eau, j'ai envie de la gerber et dois faire un effort pour la garder. Il faut dire qu'elle prend de plus en plus la température ambiante, ce qui ne m'aide pas. J'ai beau ne pas avoir de difficultés particulières avec la chaleur en tant que telle, je sens bien que ce soleil m'épuise malgré tout. Je m'arrête pour manger un bout, lorsqu'une voiture stoppe. Deux types en sortent et me proposent de l'eau fraîche. Ils sont aussi cyclistes, ont déjà fait la route et savent ce que j'endure. J'en profite pour me permettre le luxe de gaspiller l'eau chaude de mes gourdes en me la renversant sur la tête. Que ça fait du bien! Ca me donne immédiatement un coup de fouet et je repars quelque peu ragaillardi.

Mais une heure plus tard, c'est à nouveau la dèche. Je ne vaux plus rien, n'avance plus. C'est décidément trop long et trop dur. Quand je pense qu'au début de la vallée, j'imaginais que le plus dur était fait, j'étais bien loin du compte. Si j'avais su à quel point j'en chierais, je ne suis pas sûr que j'aurais tenté le coup. Il me reste à présent encore 45 km et je me traîne. J'ai même du mal à apprécier le paysage tant je suis concentré pour ne pas lâcher prise et arrêter une voiture afin qu'elle m'embarque. J'aurais tant voulu que cette étape soit faisable en deux fois, mais c'est impossible car même si je trouvais un endroit pour passer la nuit, il n'y a aucun ravitaillement en eau. Et puis, il fait trop chaud. Même une pause de plus de 5 minutes est difficilement envisageable. Je pense que mon instinct me dicte de ne pas rester sur place trop longtemps et de continuer à avancer malgré que mon corps crie désespérément "Stop!" Me tirer de cet endroit le plus vite possible. Régulièrement, des motards ou des automobilistes me saluent ou m'applaudissent carrément, ce qui me donne un regain d'énergie et de motivation.


L'eau fraîche dont mes deux sauveurs ont rempli mes gourdes n'est après une bonne heure déjà plus qu'un lointain souvenir. Je ne suis même pas sûr que je prendrais un bain dans une flotte aussi chaude. Contrairement à mon état, le paysage reste grandiose, même s'il est parfois monotone tellement il s'étend à perte de vue, mais je reprends tout de même par brefs moments un peu de vigueur, ce qui me permet à nouveau de l'aprécier. De plus, me filmer et parler à la caméra pour donner mes impressions m'aide aussi à endurer l'épreuve en exprimant ce que je ressens. Psychothérapie dans un four, ici.

J'arrive vers 17 h au point le plus bas de la vallée: -85,5 m. Quand je pense qu'en plongée, descendre à 30 m était déjà délicat, ici je suis carrément trois fois plus bas, et en bexon. Excellent! Jamais je ne plongerai si bas. Ca a au moins le mérite d'être noté dans les annales et de me rendre le sourire pour l'occasion. Mais il me reste encore 30 km à parcourir et je n'ai plus que 2h30 de clarté devant moi. Pas le temps de traîner. Après une petite pause pour la photo et le temps d'une discussion très vite expédiée avec un type qui me demande si je pense que je vais y arriver (non peut-être!), je remonte en selle.

Je n'en peux plus, je suis épuisé. Les 8 km qu'il me reste me semblent interminables. Je ne me suis jamais senti autant au bout du rouleau. La peau des bananes et oranges que j'ai mangées et que je transporte sur mes sac dans le but de les jeter une fois à destination sont complètement sèches, dures comme de la pierre. Ce soleil n'épargne rien, aucune goutte d'humidité. Il aspire tout. Et j'imagine que c'est la même chose qu'il fait à mon corps. Ca fout les jetons!

La chaleur commence seulement à descendre à 18 h et le soleil va bientôt disparaître derrière les montagnes, ce qui est une excellente chose. J'allume mes phares pour le dernier kilomètre. Et puis, enfin j'y suis! J'atteins Furnace Creek, le centre touristique. J'ai peine à y croire, mais ça y est, j'y suis arrivé. Il est 19h30 et je suis parti à 7h. J'ai pédalé pendant 8h30 et parcouru 135 km sous près de 40 °C. J'aurais aimé que ça se passe autrement, de manière plus soft, que je puisse répartir cette distance sur deux jours, mais c'était impossible. Je suis ravi d'y être arrivé, fier même, mais je ne le conseille pas de la manière dont je l'ai fait. Le paysage est tout simplement incroyable et vaut grandement le détour, là n'est pas la question. Mais c'est beaucoup trop dur à vélo, trop chaud. Moi qui voyage à vélo en partie pour ressentir pleinement les contrées que je parcours, les vivre à fond, je peux au moins dire que là, la Vallée de la Mort, je l'ai bien sentie passer et que je ne suis pas près d'oublier ce que ça fait.

Je me rends sans tarder au premier camping. Il est complètement vide. Même l'emplacement du responsable est vide. C'est clairement la fin de la haute saison, il fait déjà trop chaud et les gens désertent les lieux. Je prends mes aises, le camping est à moi. J'en profite pour me foutre à poil et me laver aux éviers extérieurs dont l'eau est carrément chaude. Curieusement, je me sens bien et plus épuisé du tout. Juste fatigué mais bien. Je pense qu'en plus d'être heureux de l'issue de la journée, je me sens soulagé que ce soit fait. C'était certainement la partie la plus critique et difficile de mon voyage, d'autant plus que c'en est le début, et je le savais. Je ne devais pas non plus traîner, c'était la seule partie pour laquelle j'étais pris par le temps. Et là, c'est fait. Je passe une nuit de rêve comme un bébé.

Le lendemain, je ne veux rien savoir, c'est jour de repos. Je n'en foutrai pas une. Alors que je suis au centre des visiteurs, je fais la connaissance de Jeff et Sandy, un couple de septuagénaires qui voyagent également à vélo. Ils ont un sacré palmarès de voyages à leur actif. Actuellement, ils ont loué une voiture car Jeff est malade. Vu qu'ils doivent aller la rendre à Las Vegas demain, il me proposent de me joindre à eux et de profiter de leur voiture. Merveilleux! Moi qui comptais justement retourner à Vegas pour ensuite me diriger vers l'est, c'est parfait. Ca m'évitera ainsi de me retaper une partie de la route parcourue jusqu'ici dans l'autre sens. Tout se met bien. Je retombe également par hasard sur les deux types qui m'avaient aidé avec de l'eau fraîche dans la vallée. Ils m'invitent à boire une bière dans leur caravane et me donnent leurs coordonnées à Los Angeles au cas où je passerais par là en fin de périple. Génial!

Pour le retour à Las Vegas avec mes deux nouveaux potes, ils ont prévu de passer la nuit chez un couple de warmshowers. Ils les appellent, leur parlent de moi et la sentence tombe: je suis le bienvenu également. Décidément... Avant cela, on s'arrête sur le chemin en sortant de Death Valley pour admirer un panorama avec la vallée torride que j'ai traversée en arrière-plan.




Red Rock Canyon


De retour à Las Vegas, je fais la connaissance de nos hôtes, Esteban et Sara, qui ont très généreusement accepté que je m'incruste chez eux. J'étais de prime abord un peu mal à l'aise mais ils m'ont tout de suite fait sentir que j'étais le bienvenu. Les gens sont trop gentils. Esteban nous emmène alors pour une balade à vélo dans un parc naturel aux abords de la ville: Red Rock Canyon. Juste à quelques kilomètres du centre effervescent et puant de Las Vegas, se trouve ce joyau qui porte bien son nom. De la beauté pure.


Esteban et Jeff





Hoover Dam


Pour notre dernière journée dans les environs de Las Vegas avant de mettre le cap à l'est vers l'Utah et l'Arizona, Jeff, Sandy et moi décidons d'aller voir cet énorme barrage sur la rivière Colorado, qui alimente en eau et électricité tout le sud-ouest des Etats-Unis. Il ne neige plus suffisamment dans le Colorado ces dernières années pour pouvoir alimenter suffisamment la rivière et cela se voit clairement au le niveau du lac qui est beaucoup plus bas que la normale. Toutefois, il a déjà remonté depuis l'année passée.



Sandy et Jeff
Voilà seulement dix jours que je suis là et j'ai déjà plein de nouveaux potes, des contacts, des compagnons de voyage et des expériences de vécu intenses. La suite de l'aventure, c'est l'Utah et l'Arizona, montagnes et canyons, cowboys et Indiens. Encore beaucoup à pédaler, ça ne fait que commencer.