mercredi 5 mars 2014

 
Sardaigne - Le sud-ouest

Opération Sardaigne: trois semaines de vélo autour de l'île pour me remettre à la pédale intensive et me tester avant le grand voyage aux Etats-Unis que je prépare pour ce printemps. Je sais que la période de février-mars n'est pas la plus propice pour ce genre d'exercice mais j'ai besoin de remonter sur mon vélo maintenant et la Sardaigne affiche des moyennes saisonnières autour des 15 °C, ce qui devrait de toute manière être meilleur que chez nous. De plus, j'ai lu des avis positifs de cyclistes quant au paysage et à la faible fréquentation des routes. Mon choix est fait.


J'arrive à Cagliari le dimanche 23 février par avion avec mon nouvel engin, que j'aurai ainsi également l'occasion de tester, minutieusement empaqueté afin de le protéger durant le voyage. Le temps est au beau fixe et m'offre une splendide vue aérienne de la ville et des côtes. Comme toujours, la sortie de l'aéroport à vélo est une épreuve pour le moins stressante car les routes qui y mènent sont rarement de tranquilles chemins de campagne. Ma chance, une toute nouvelle ligne de chemin de fer vient d'être installée et nous relie en quelques minutes au centre-ville. Je n'hésite pas longtemps et opte pour cette solution facile, sûre et efficace. J'éviterai par la même occasion l'entrée en agglomération, tout ce qu'il y a de plus désagréable et dangereux. Parfait!

Je transporte donc mes sacs et mon vélo, toujours au chaud dans sa boîte en carton, jusque la gare. Je croise les doigts en espérant qu'il sera facilement possible de mettre ce grand carton dans le train mais mon interrogation est de courte durée car dix minutes plus tard arrive le train dont un wagon affichant un énorme insigne "vélo" s'arrête juste devant moi. Le sol du wagon est au même niveau que le quai, il me suffit donc de faire glisser le carton jusque l'espace prévu qui comporte suffisamment de place pour plusieurs deux-roues. Quoi de plus simple? Parce qu'en plus, c'est gratuit. Autre chose qu'en Belgique où c'est la galère et pas donné, tout pour inciter à ne pas le faire. Tout se met bien.

Je débarque ainsi à la gare de Cagliari où il est temps que je déballe mon vélo afin de le rendre opérationnel. J'ai visiblement correctement emballé la bête puisqu'elle m'apparaît rutilante comme sortie de l’œuf, sans aucune égratignure. Une fois tout mis en place, je me mets en route alors que le soleil se couche. J'ai rendez-vous avec Enrico, un gars faisant partie du réseau communautaire warmshowers, qui met en rapport des cyclo-touristes désirant s'entraider lors de leurs périples. Je l'ai contacté en lui expliquant mon trip et il m'a immédiatement invité chez lui. Je parcours donc la ville vers sa demeure en poussant mon vélo sur lequel j'ai tant bien que mal réussi à fixer l'énorme boîte en carton repliée.

Arrivé chez Enrico, le ton est instantanément donné. Il voit mon carton et d'emblée me dit: "Cool! Tu as pu transporter la boîte. Je vais la garder et tu la reprendras à ton retour." De la sorte, il résout non seulement la question de savoir si je dois me trouver une autre boîte pour le voyage du retour, mais il me propose en plus implicitement de m'héberger à nouveau dans trois semaines. C'est génial. Il met à ma disposition une pièce pourvue d'un canapé et me propose de prendre mon temps pour préparer mes affaires car je peux encore rester le lendemain si je le désire et partir seulement le jour d'après. Magnifique! Cela me permettra de bien me reposer et de faire tranquillement mes dernières courses avant le départ.
Un autre voyageur à roulettes est également hébergé sous son toit. Il est Slovène et lorsque je lui demande s'il est venu de chez lui jusqu'ici à vélo, il me répond par l'affirmative mais, mimant avec son doigt un tour de planète, il précise en toute simplicité: "Mais par l'autre côté..." Cela fait six ans qu'il est parti et a fait le tour du globe... Il y a quand même des gars!

Pour l'heure, Enrico nous propose d'aller passer la soirée au concert d'un pote qui fait de la musique expérimentale, qui se révélera plutôt être de l'ordre du bruitage psychédélique. J'y rencontre plusieurs personnes très sympas. On papote, on rit, je raconte mon projet, ils me donnent des conseils, on boit du rouge et on mange des pizzas. Bienvenue en Italie. Mon compagnon slovène, soit dit en passant, est du genre un peu allumé et au cours de la soirée ne fait que parler histoire et politique en agrémentant son discours de grands gestes, dont un aboutit directement sur mon gobelet de pinard, ce qui l'éjecte au loin en souillant mon futal. Pas encore parti, déjà sale. Merci l'ami! M'est avis que j'aurais du mal à composer avec lui si d'aventure on devait partager la route. Mais tout va bien, il désire traverser l'île au plus court afin d'aller attraper un ferry pour la Corse. Pour clore la soirée, Enrico me donne une clé de chez lui pour mes allées et venues du lendemain pendant qu'il va bosser.


J'emploie donc cette journée à faire quelques courses au marché municipal et à me promener dans le centre. Je me retrouve ainsi sur une place en hauteur qui me permet d'admirer la ville et ses alentours en toute quiétude, il n'y a pas un chat. Normal, c'est la sieste, me rappellera plus tard Enrico en riant. "Qui sort l'après-midi?" J'avais oublié ce détail.

Je rejoins Enrico le soir dans une espèce de maison des jeunes où il apprend bénévolement aux gens à petits moyens à réparer leur vélo. Et quand on sait que son métier consiste à organiser des tours à vélo pour les touristes, pas de doute, il est à fond dedans, dévoué. Nous rentrons ensuite chez lui où il me donne des conseils sur la route à suivre, celles à éviter et me prête une carte routière ainsi qu'un guide cycliste de l'île. Ce type est vraiment génial. On se reverra dans trois semaines.

C'est parti, j'enfourche ma monture. Même s'il fait un soleil radieux, le vent frais rappelle nettement qu'on est toujours en hiver. C'est trompeur. Je sors de la ville en passant par la grand-route, seul accès possible par le côté qui m'intéresse. Suivant les conseils de mon nouvel ami, je quitte cet axe pour le moins désagréable dès que possible afin de privilégier des routes moins fréquentées qui allongeront sensiblement le tour que j'avais en tête, certes, mais le rendront surtout plus intéressant. Je passe donc premièrement au milieu des grandes salines entourant la ville, habitées par des flamants roses.




J'arrive ensuite à la route conseillée par Enrico pour rejoindre la côte sud-ouest tout en évitant le gros trafic. J'ai choisi de commencer par ce côté de l'île car, les plus hautes montagnes se trouvant à l'est, cela me permettra de les attaquer à la fin du périple lorsque je serai réhabitué à pousser mon lourd chargement et donc d'y aller le plus progressivement possible. Le tracé de la fameuse route étant très sinueux sur carte, Enrico m'avait assuré que, quoique non bitumée, elle était facile et plate car elle suit une vallée. Très vite, j'arrive à un constat évident: on n'a pas la même notion de plat.
En effet, alors que le paysage est effectivement splendide et que seulement trois voitures me dépassent en deux heures, la route monte incontestablement et presque constamment jusqu'à un col situé à près de 500 m d'altitude. Alors, pour un premier jour, monter là-haut en poussant 45 kg sur de la terre et des graviers, on repassera pour l'acclimatation progressive. Mais au moins, je suis immédiatement fixé car j'y arrive sans peine et m'arrête tranquillement après la descente pour camper au bord d'un ruisseau. La forme est toujours là et j'en suis ravi. J'espère juste ne pas trop sentir le contrecoup de cette première plutôt intense les jours suivants.


Les trois jours d'après se suivent au même rythme. Ca grimpe, ça descend, ça grimpe, ça descend.


Même lorsque j'atteins la côte, celle-ci est faite de falaises qui me font jouer aux montagnes russes. Ca tombe bien, j'aime ça, ça rend les vues magnifiques et l'effort va de paire. Ceci dit, c'est bien plus crevant que prévu. Le soleil joue à cache-cache derrière les nuages de plus en plus présents, ce qui fait sensiblement chuter la température, mais le temps reste globalement agréable. Par contre, le vent est fort et, comme par hasard, je l'ai pile de face. Règle universelle.






Le coin est très sauvage et je traverse assez rarement des petits villages. Mon réapprovisionnement en nourriture est d'ailleurs plutôt compliqué vu que je les traverse généralement durant l'après-midi, c'est-à-dire durant... la sieste où tout est fermé jusque 17h. Je dois donc bien anticiper la chose.
En effet, vu qu'il fait noir à 19h et que je campe "sauvage", je dois absolument avoir trouvé mon campement pour 17h grand maximum afin d'avoir le temps de monter la tente et de me préparer à manger à mon aise si je veux éviter de devoir le faire à la lampe de poche. Le camping sauvage m'est pour ainsi dire imposé, même si c'est avec le plus grand des plaisirs, car en cette saison tout est fermé. Abords de ruisseau, terrain de pique-nique, forêt, plage, dunes, l'île regorge d'endroits tranquilles à cette période et il est très aisé d'en trouver un chaque soir afin de m'établir pour la nuit.